Chapitre 17 (3/3)

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— Ne bouge pas !

Malgré ma parka, je frissonnai. Cette fois-ci, je m'interdis de tomber au sol à la merci du pouvoir de ce chef de meute. Plus jamais je ne me retrouverais à lutter contre ma propre volonté, à observer mes griffes et ma fourrure apparaître contre mon gré.

Sensible à la magie de Dorian ou non, Tina s'immobilisa près de l'estrade. Même de dos, son dilemme était évident. Elle n'avait aucune envie de se soumette à l'Alpha. Aucune intention d'obéir.

Ses bras retombèrent le long de son corps, et elle se tourna dans notre direction comme au ralenti. Du sang gouttait de ses mains, tachant la neige d'un rouge écarlate. Les blessures qu'elle s'était infligées à la tête coulaient sur son front, lui ceignant les yeux d'un khôl sanglant. Bien qu'involontaires, ces peintures de guerre lui donnaient un air de démente.

Les crocs acérés qui pointaient entre ses babines n'inauguraient rien de bon. Un simulacre de sourire déformait la muqueuse noire et luisante de salive.

— Skaï, laisse-nous, grogna Dorian entre deux salves de pouvoir.

Du coin de l'œil, j'avisai l'homme pointer son katana vers sa compagne.

— Hors de question.

Malgré ses mots catégoriques, son ton était déchiré.

— C'est un ordre, insista Dorian en jurant.

Tina avança d'un pas souple. Les griffes de ses pattes laissaient de profonds sillons dans la poudreuse. Ses yeux de louve déraisonnée alternaient entre son compagnon, son Alpha et moi. Son dilemme était évident.

Elle fit encore trois pas avant de s'immobiliser.

Bruyante, j'entendis la respiration de Skaï s'emballer. Son arme était dressée et prête à protéger son chef de meute, mais il reculait à mesure que Tina avançait. La neige qu'il avait piétinée montrait le terrain cédé. Il n'avait aucune envie de s'attaquer à la femme de sa vie.

Compréhensible, bordel.

En le voyant de nouveau poser le pied en arrière, je me demandai s'il serait capable d'effectuer le premier coup, avant qu'elle n'attaque quelqu'un. Les sourcils froncés de Dorian me montraient qu'il se posait sûrement la même question. Il ne lui demandait de foutre le camp que pour mieux l'épargner si l'affrontement devait se transformer en bain de sang.

J'avançai en resserrant mon emprise sur le manche du poignard, le regard braqué à celui du monstre. Pour le bien de cette mission, il me fallait déshumaniser la créature qui se dressait contre nous. Ce n'était pas Tina. Ou du moins, ce ne l'était plus. De la femme qui était venue à mon secours en me cédant son pull en cachemire, il ne restait qu'un grotesque tablier à fleurs.

En serrant la mâchoire, je muselai mes sentiments à l'égard de la jeune femme souriante que je gardais en mémoire.

— Dalaena, recule.

J'ignorai le ton irréfragable de Dorian. Je n'étais pas l'un de ses loups, je n'avais d'ordre à recevoir de personne.

Les épaules de la créature étaient parcourues de spasmes, sa tête dodelinait de manière mécanique et sa gorge animale produisait des sons glaçants. J'avais été envoyée ici pour leur venir en aide, et, bon sang, j'avais juré que plus personne ne se ferait tuer à cause de mon inefficacité. Et pire, il était hors de question que je laisse le chef de cette meute risquer sa vie.

Dorian jura entre ses dents serrées. Sa colère et son impuissance suintaient de ses pores par vagues brûlantes.

— Skaï, Bêta de la meute, je ne le répéterai pas. Dalaena, toi aussi. Reculez, putain !

Les cheveux de ma nuque se hérissèrent devant le ton catégorique.

L'impatience d'en découdre faisait vibrer l'air autour de Tina – du monstre.

Sans crier gare, elle se jeta en avant, si vite que je n'eus pas le temps de tressaillir. Sur le coup, son objectif fut incertain jusqu'à la dernière seconde.

Ses jambes projetèrent son corps vers Skaï, mais son regard resta braqué au mien.

Pétrifié à l'idée de blesser volontairement sa compagne, le Bêta resta immobile, complètement à la merci de l'ennemie. Il avait pivoté la poignée de son katana de manière à présenter le plat de la lame – uniquement pour se défendre.

Au moment où j'allais bondir pour lui venir en aide, une poigne d'acier se referma autour de mon bras, me clouant sur place. Je croisai le regard du loup dans les yeux clairs de Dorian, implacable.

Les griffes de la bête se levèrent, labourant le torse de Skaï. Le cri qu'il poussa me coupa la respiration.

Je n'eus pas le temps de hurler sur Dorian : Tina avait feinté, se propulsant dans notre direction. Je me débarrassai de l'emprise du loup dominant d'un moulinet de bras, et roulai au sol, poignard en avant.

D'un coup de lame, la créature s'effondra dans la neige en geignant, les tendons des genoux sectionnés.

Lorsque je me redressai, Dorian était déjà sur elle.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant