Chapitre 19 (3/3)

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— Et qu'est-ce que j'y peux ?

— Probablement rien. (Pour une fois, ce fut lui qui haussa les épaules.) Mon loup te veut.

Je pointai un doigt devant moi, comme pour l'empêcher d'avancer.

— Tais-toi, Dorian.

— C'est pour cette raison qu'il faut que tu t'en ailles. Il ne fait plus attention aux autres, quand tu es là.

— On en revient toujours à ça, hein, marmonnai-je en me détournant pour dissimuler ma soudaine envie de pleurer. Tu veux que je m'en aille ?

Une seconde de silence, affreuse.

— Oui.

— Quand ?

— Le plus tôt possible.

Ce n'était pas la première fois que je faisais face à ces mots, mais les entendre faisaient toujours aussi mal. Bien plus que lorsqu'il me les avait jetés à mon arrivée.

D'abord, il n'avait pas voulu de ma présence car j'étais une louve solitaire qui n'avait rien à faire sur son territoire. Et aujourd'hui, c'était parce que son loup m'y acceptait finalement un peu trop. On marchait sur la tête.

— Et l'enquête ? m'enquis-je.

À chaque fois que Dorian ouvrait la bouche, la lassitude qui s'était emparée de moi se mêlait petit à petit avec autre chose – un truc vraiment mauvais.

— Tu nous as beaucoup aidé. On devrait pouvoir suivre la piste d'Ellen Wirlova, et trouver un sorcier capable de rendre à Tina son apparence.

Je serrais les mâchoires.

— Contente que mon travail ait pu servir à quelque chose. Et après ?

Le soupir qu'il poussa, comme si ma question le prenait au dépourvu, mit le feu aux poudres.

Me sentant prête à exploser, je me précipitai à l'extérieur, me jetant sur la poignée. Il voulait que je me casse ?

— Mais attends ! Dalaena !

L'exaspération que fit passer Dorian dans les quelques mots qu'il lança ne suffirent pas à me faire rester – ne m'en donnèrent pas l'envie, du moins. Il avait été très clair.

Ma seule présence mettait en danger l'équilibre de la meute ? Mon cul !

Je traversai la place centrale en courant presque, mes talons claquant contre le sol comme des tambours de guerre. Enfin, ils auraient claqué en osmose avec ma colère s'il n'y avait pas eu toute cette foutue neige partout. Les flocons qui s'étaient remis à tomber, bien visibles sous la lumière des lampadaires, propulsèrent ma colère à son maximum.

Sur les nerfs, je jetai ma parka au sol, et me bagarrai avec mon pull pour le faire passer par-dessus ma tête.

— Espèce de connard, enfoiré de mes deux, marmonnai-je entre mes dents serrées, des filaments de laine rebelle s'accrochant à mes lèvres.

D'un coup de talon, j'envoyai valser ma botte, et le pull la rejoignit une seconde plus tard. Cet Alpha imbu de sa personne allait voir ce qu'il allait voir. Ma louve montrait les dents en grondant, et je n'étais pas loin de faire pareil sous ma forme humaine.

J'attrapai le bas de mon débardeur pour lui faire suivre le même chemin, me moquant royalement du fait que j'étais en train de me déshabiller en plein milieu du village, alors qu'il faisait nuit. Ces loups-garous menés par un connard de première en avaient sûrement vu d'autres. Les pauvres malheureux qui n'ont rien demandé à pers...

— Excusez-moi, mademoiselle, vous pourriez m'accorder un instant ?

La voix qui résonna dans mon dos me fit sursauter.

J'étais dans un tel état d'agitation que tous mes sens en étaient perturbés, complètement sens dessus dessous.

L'homme qui se tenait à quelques pas de moi était mal à l'aise, se tripotant les doigts comme s'il ne savait pas quoi en faire. Mais j'appréciai le fait que, bien que je sois à moitié nue, son regard se cantonnât scrupuleusement à hauteur de mon visage.

Âgé d'une cinquantaine d'année, une aura de calme se dégageait de lui, et je mis quelques secondes avant de le reconnaître. La dernière fois que je l'avais aperçu, il se faisait mettre à tabac pour la seule raison que ceci était acceptable pour quelqu'un de son rang.

— Vous êtes l'Omega de la meute, n'est-ce pas ?

L'homme acquiesça en me tendant sa main. Son sourire n'atteignit pas ses yeux.

— Franklin Tawls, mademoiselle. Enchanté de me présenter à vous officiellement. Est-ce que je tombe mal ? demanda-t-il en baissant le regard sur le débardeur que je tenais encore à la main.

Je soupirai intérieurement en me rhabillant. Même si je n'étais pas de sa meute, son pouvoir d'Oméga parvenait à repousser temporairement ma colère.

— Non... En quoi puis-je vous aider ?

Il alla récupérer ma botte – celle qui ne dissimulait pas de poignard –, et la garda dans ses mains un bon moment, avant de me dire :

— Je crois que mon fils a été enlevé. Vous le connaissez peut-être, il s'appelle Erwen.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant