Sortir les griffes T1

Chapitre 26 (1/3)

Erwen reprit son incantation comme s'il ne me craignait pas. C'était une grossière erreur. Ou alors il comptait tellement sur les capacités de la jeune femme qu'il s'en remettait entièrement. Au fond, peu importait ses raisons, je n'allais pas me laisser faire.

Je reportai mon attention sur la sorcière, qui me dévisageait avec un rictus de folle à lier. Elle se déplaça soudain si rapidement que je crus qu'elle s'était téléportée juste devant moi.

Je ne conservai ma tête que grâce à un réflexe de ma louve. Elle m'avait poussé à plier les genoux juste au moment où l'air s'était modifié devant mon visage.

Au moment où je frappai, couteau en avant, la fille n'était déjà plus là. Seule restait son odeur terrible de magie interdite. En la sentant derrière moi, je fis glisser le poids de mon arme pour la faire basculer, et rejetai le bras en arrière. La trajectoire était parfaite, mais je la ratai encore une fois.

— Je sens quelque chose ! exulta le gamin, tandis que la sorcière se matérialisait sur ma gauche.

La jubilation qui suintait de la voix d'Erwen me donna envie de vomir. Ce gosse avait un sérieux problème. L'image mentale de Dorian en train de se tordre au sol, grondant entre les barreaux de sa cage, seul et terrifié, sa transformation échappant à son contrôle...

Je hurlai en projetant ma jambe sur le côté. Mon pied percuta l'oreille de la fille dans un bruit sourd accompagné d'un craquement d'os. Je n'en tirai aucune satisfaction ; c'était bien loin de pouvoir apaiser la violence qui montait en moi en imaginant Dorian livré à ces malades.

Déséquilibrée, mon adversaire tituba et j'en profitai pour lui administrer une série de coups pour la fatiguer. Si elle continuait à vouloir se téléporter ainsi et à guérir les quelques blessures que je lui infligeais, son pouvoir allait s'amenuiser à vitesse grand V.

J'étais en train d'esquiver un coup de poing maladroit qui visait mon épaule lorsque je les perçus pour la première fois.

Des grognements terrifiants qui provenaient de derrière moi, à quelques mètres à peine. Trop surprise pour riposter à temps, la sorcière parvint à me gifler quand je réalisai qu'Erwen et cette femme avaient en réalité un autre complice, et que cette hypothèse ne m'avait jamais effleuré l'esprit.

Un peu sonnée, je clignai des yeux et parai la tentative suivante d'un mouvement de bras. Il fallait que je bouge, et vite. Ne tourner le dos à personne, les avoir chacun dans mon champ de vision, en alerte.

Je bondis pour placer quelques coups de pieds sur le flanc de la sorcière, et profitai de mon atterrissage pour me déplacer sur le côté, heureuse de mettre de la distance entre nous. Je préférais de loin avoir tous mes ennemis dans ma ligne de mire, et j'ignorai encore qui se trouvait à l'orée de la forêt. Aux grognements qui enflaient, ce n'était pas bon du tout.

Alors que je m'attendais à voir une nouvelle tête, je fus totalement désemparée en découvrant Kit tituber en avant. Le dos courbé, il avait l'air mal en point, ne semblant tenir debout que grâce à l'arbre auquel il se retenait.

Les grondements menaçants reprirent, et je réalisai que c'était bel et bien lui qui en était l'auteur. Quand il redressa avec difficulté la tête, son expression me glaça le sang. À la fois malveillante et douloureuse, il semblait lutter contre un mal qui le rongeait incontestablement.

Soudain, ses jambes le lâchèrent et il tomba à quatre pattes en grondant comme un animal blessé.