Épilogue (1/3)

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Malgré la musique qui hurlait dans mes oreilles, le bruit des acharnés sur la piste de danse et ceux qui braillaient autour de moi pour attirer l'attention du barman, la voix de Mæve perça cette brume avec facilité. Brusquement tirée de mes pensées moroses, je relevai les yeux des glaçons qui flottaient dans mon verre.

— Tu tires une sacrée tête, ma pauvre.

Elle claqua une bise dans l'air près de mes joues et se hissa sur le tabouret qui jouxtait le mien. Je lui adressai un sourire triste qui ne monta pas jusqu'à mes yeux.

— Merci, ça fait toujours plaisir.

Sans rien ajouter, elle referma les doigts sur les miens et me scruta de ses yeux noirs. Je l'imitai, portant mon regard sur les tâches de lumière tantôt bleu, rouge ou jaune qui coloraient sa coupe afro.

Contrairement aux gens agglutinés autour de nous, elle n'eut qu'à tendre la main pour attirer l'attention de l'homme se trouvant derrière le bar. Mæve était une vampire à la beauté phénoménale. Parfois, je me demandais si elle n'était pas une succube.

Je lui coulai un regard en coin quand elle glissa un gros billet dans la poche du gilet de l'employé.

— Je vais prendre une grande margarita, s'il te plaît, mon mignon. Pareil pour la jolie dame ici présente, susurra-t-elle en poussant mon verre presque vide vers l'homme.

Du plat de la main, elle tapota la poche nouvellement remplie sur son torse.

— Et ça, c'est pour que nos verres restent toujours pleins.

Le sourire du barman me fit plaisir à voir. Il semblait complètement sous le charme de mon amie. Il sortit de sous le comptoir un bol de cacahuètes, qu'il déposa entre nous.

— Passez une belle soirée, mesdemoiselles, s'exclama-t-il en s'emparant d'un shaker.

Un instant plus tard, deux verres givrés apparurent sous nos yeux. Elle trinqua avec enthousiasme, moi, sans grand entrain.

— Raconte-moi tout, ma belle. Que se passe-t-il ?

Je haussai les épaules. Par où commencer ?

— C'est à ce point ? devina-t-elle.

Je hochai lentement la tête de haut en bas, les yeux braqués sur les étagères en face. Une multitude de bouteilles aux étiquettes colorées les garnissait.

— Ma louve est partie.

Mæve se pencha vers moi et hurla dans mon oreille pour couvrir le bruit des basses :

— Quoi ? J'ai mal entendu !

En tant que vampire, son ouïe était encore plus affutée que la mienne. Elle n'avait pas mal compris, elle voulait simplement en être certaine.

J'avalai une grosse gorgée d'alcool avant de lui dire, sans élever la voix :

— Je reviens d'une mission dans le Minnesota. C'était assez rapide, une simple histoire de nécromancien. Le type voulait créer une armée de morts-vivants pour décimer un groupe de chasseur de fantômes. Un scénario assez classique, mais quand j'ai voulu me transformer pour suivre la trace olfactive des zombis, je n'ai pas réussi.

— Comment ça ?

— Je ne ressens plus sa présence, c'est comme si elle avait foutu le camp. Il n'y a plus qu'un grand vide à l'endroit où elle devrait se trouver.

C'était la première fois que je le disais à voix haute, et cela faisait encore plus mal de l'entendre. Je me mordis l'intérieur des joues. La stupéfaction de mon amie avait une odeur âcre de vinaigre.

— Mais comment est-ce seulement possible ?

En sentant les larmes me monter aux yeux, je vidai mon verre d'un trait. La brûlure de l'alcool ne me soulagea pas comme Mæve l'avait escompté. Mais le barman honora son généreux pourboire et un liquide ambré remplaça mon cocktail.

L'inspiration tremblante que je pris allait de pair avec mon moral au fond des chaussettes.

— Elle n'est pas revenue depuis que nous sommes allées dans les White Mountains.

— Depuis le fameux Dorian Morff, tu veux dire ?

Sans m'en rendre compte, je fis tourner le whisky au fond du verre d'un air absent. Dans les haut-parleurs, Duffy implorait la pitié, et je trouvais cela de circonstance.

— C'est ça, répondis-je en riant jaune. Depuis Dorian Morff.

— Est-ce qu'elle pourrait être restée avec lui ?

Je secouai la tête.

— Non. Elle était avec moi dans la voiture, mais...

Ne sachant pas par où commencer, je soupirai en me frottant le visage.

— Que s'est-il passé, Dala ?

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant