Chapitre 3 (2/2)

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Un silence s'installa. Nous nous fixâmes dans le blanc des yeux sans rien dire. C'est Dorian qui le brisa en soupirant.

— Non, Dalaena, cette scène ne m'évoque rien, hormis de la barbarie. C'est mieux ?

— C'était bien jusqu'à « barbarie ». Vous auriez dû vous arrêtez là.

— Et vous ? Qu'est-ce que ça vous évoque ?

Je lui jetai un regard, soudain peu certaine de mes appuis.

— Une scène de la Bible en version moderne.

Dorian se tourna entièrement dans ma direction, les bras croisés. Mais attentif, apparemment.

— La Bible ? Qu'est-ce qu'elle vient foutre là ?

Ou pas. J'imitai sa position.

— Un bouc émissaire, ça ne vous dit rien ?

— Hormis que c'est une expression, qu'on utilise lorsque quelqu'un est désigné pour supporter tous les tors, de manière totalement injustifiée ?

— C'est en effet tiré de la Bible. D'une scène de l'Expiation.

Voyant qu'il n'en savait pas plus, je précisai :

— Deux boucs sont choisis, expliquai-je en ignorant son visage sceptique. L'un est symboliquement chargé de tous les péchés des Hommes, puis chassé pour détourner la malédiction. Il est ainsi envoyé dans le désert vers Azazel – un démon –, pour y mourir. De cette manière, les hommes sont purifiés de leurs mauvais vices.

— Qu'arrive-t-il au deuxième bouc ?

Je fus étonnée de voir qu'il suivait. Mais il en allait de l'avenir de sa meute, en même temps. L'inverse aurait démontré qu'il était indigne de sa position.

— Le deuxième est sacrifié, répondis-je. Tué pour que son sang lave les péchés, pour qu'il soit dispersé afin de purifier les lieux. L'un est choisi pour l'Éternel, l'autre pour Azazel.

Dorian secoua la tête, la bouche pincée.

— Je ne comprends pas le rapport.

— Deux boucs éliminés, il n'en reste plus qu'un, résumai-je en montrant la tête coupée d'un signe du menton. Reste à savoir si celui-ci est le sacrifié pour purifier les lieux, ou le maudit envoyé aux démons.

— Ça se tient, dit-il, visiblement surpris que de tels mots sortent de sa bouche. C'est notre seule piste, pour le moment. Les seaux pourraient exprimer la présence de contenants pour recueillir le sang, afin de le répandre pour purifier les lieux.

— Tout à fait.

Un instant passa, où nous restâmes immobiles, à observer la scène funeste.

— Vous êtes croyante ? demanda finalement l'Alpha.

— Non.

Mon ton, plus sec que je ne l'aurais voulu, se passait de précisions. Je ne voulais pas expliquer pourquoi je possédais une connaissance si pointue de la Bible. Point.

— Épatante, alors.

La remarque, étonnamment douce, absente de toute acerbités, me fit tourner la tête vers Dorian.

— Est-ce que ça veut dire que je suis engagée ? Ma voiture est...

— En panne, oui, je sais, grogna-t-il. Ouais.

Je m'immobilisai, pas certaine d'avoir bien entendu. Enfin si, j'avais parfaitement bien compris. Mais je voulais l'entendre une deuxième fois.

— Ouais ?

— Ouais, répéta-t-il en hochant sèchement la tête, une fois. Ne criez pas trop fort, vous allez faire peur aux chèvres, avec vos dents pointues.

J'acquiesçai en souriant.

— Vous aimez la viande tendre, en déduisis-je.

Un coin des lèvres de Dorian se releva.

— Exactement. Alors ne stressez pas mes animaux.

En réponse, je lui montrais mes dents, longues et pointues, à lui.

Puis je quittai les lieux sans me retourner, le laissant interdit, les pieds dans la neige.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant