Chapitre 16 (2/3)

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Mon regard ne savait pas sur quoi s'arrêter, passant un objet à l'autre sans pause. La profonde baignoire au centre m'intrigua le plus. Puis vinrent les séchoirs au mur, les paniers moelleux disposés un peu partout, les bouteilles de shampooing alignées sur des étagères, et les nombreuses touffes de poils au sol.

Je me tournai vers l'homme qui m'observait d'un œil mauvais.

— Vous faites du... toilettage clandestin ?

— Peut-être.

Comme dans un magasin de vêtements, un rideau au fond de la pièce permettait de se changer en gardant son intimité.

Lorsque celui-ci s'ouvrit à la volée, je sursautai.

En voyant Kit en sortir, tête baissée pour ajuster sa ceinture, je sentis ma mâchoire se décrocher.

Quand je croisai son regard, il cessa de respirer, puis il vira au cramoisi.

— Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? laissai-je échapper.

Quelques minutes plus tard, j'adressai une explication muette à l'attention du gamin de l'Alpha. Nous étions à présent devant la boutique, et je posai une hanche contre la boîte aux lettres branlante qui se dressait deux mètres plus loin.

Voyant que Kit semblait absorbé par une motte de neige qu'il écrasait du bout de sa chaussure, je me raclai la gorge de manière fort peu élégante.

— Tu m'explique ? attaquai-je en première. Depuis quand les loups vont se faire chouchouter le volume chez l'esthéticienne ?

— Patrick est toiletteur. Pas esthéticienne, grommela Kit. On ne fait rien de mal.

— Ton père est au courant ?

Comme si je lui avais planté une fléchette dans le cul, il se redressa aussi sec. Son regard à lui-seul me parlait.

— Ça va pas, non ? Jamais de la vie il aurait accepté ça. On vient voir Patrick quand... quand on veut se faire beau, dit-il d'une voix contrite. C'est tout.

— Qui est le « on » dont tu parles ?

— Les jeunes. (Il haussa les épaules.) Les vieux ne comprendraient pas, ils sont obnubilés par leurs traditions et leurs petites règles de reclus.

— Les vieux ? répétai-je en relevant les sourcils. Qui ça ?

Mal à l'aise, Kit se racla la gorge en ratissant ses cheveux en arrière.

— Les adultes, je veux dire. (Ses mains replongèrent aussitôt dans ses poches.) Mon père comme les autres.

— Je vois. Y a-t-il d'autres endroits comme celui-ci ?

Le gosse détourna les yeux en me répondant.

— Le sous-sol de la bibliothèque.

Je soupirai devant mon manque évident de patience. Tirer les vers du nez de ce gamin était épuisant.

— Qu'y a-t-il là-bas, Kit ?

Il baissa la voix en me répondant :

— Une salle d'arcade.

— Une salle... ? Pour jouer aux jeux vidéo ?

— C'est ça.

Mon regard fut attiré par les deux filles qui sortaient du salon clandestin. Leur sourire éclairait leur visage – il disparut cependant lorsqu'elles me virent. Elles s'éloignèrent en chuchotant, se frayant un passage dans la neige pour ne pas avoir à nous frôler sur le chemin déneigé.

La présence de ce sous-sol à la bibliothèque expliquait la disparition mystérieuse du groupe d'ados que j'avais suivis. J'adressai un coup d'œil en coin à Kit.

Soupçonneuse devant son regard alarmé, je lui demandai :

— Que se passe-t-il d'illégal là-bas ?

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant