Sortir les griffes T1

Chapitre 15 (2/2)

Louis resserra les pans de la couverture autour de ses épaules et souffla sur le chocolat chaud que lui avait préparé Kit. Il en prit une gorgée en gémissant.

— J'ai l'impression d'avoir le corps en feu, croassa-t-il en reposant la tasse.

— C'est un peu le cas, glissai-je en grimaçant. Je suis désolée d'avoir tirée.

La couverture bougea comme s'il venait de hausser les épaules en dessous, l'air de dire « t'inquiète, c'est pas grave, j'ai l'habitude ».

— Tu serais sûrement morte si tu ne l'avais pas fait. Moi aussi, je suis désolé d'avoir tenté de te buter.

— Jasper sera content de savoir que son prototype est efficace.

Dorian tourna la tête dans ma direction.

— Tu as tiré sur un de mes loups avec un prototype ?

— Hé oui.

— Personne n'a testé ces balles avant ?

— Pas en conditions réelles, non. Seulement au labo dans du sable. C'est Brett qui les as créées avec son imprimante 3D. Elles sont creuses afin d'y verser des produits. De l'argent liquide en général.

Il ferma les yeux.

— Dieu du ciel. Cette femme est folle.

Je lui souris.

⸙

Atterrée par ce que Louis venait de révéler, je me reculai dans le fauteuil à bascule en réfléchissant, le regard perdu par-delà la baie vitrée, là où les branches des pins s'entremêlaient. Mes doigts pianotaient nerveusement contre l'accoudoir en bois. Nous savions déjà qu'une magie noire était à l'origine de ces métamorphoses, mais la sensation de Louis était perturbante. Comme une marionnette. Le regard qu'il avait eu à ce moment-là était aussi parlant que ses mots, hanté comme s'il revoyait parfaitement la scène.

Sur un coup de tête, j'étendis le bras pour attraper le téléphone fixe posé sur le guéridon à proximité du fauteuil. Un antique objet à cadran du siècle dernier. Je le posai sur mes genoux et glissai mon index dans les trous afin de faire tourner la roue des chiffres. En portant l'imposant combiné à mon oreille, j'entortillai machinalement mes doigts au cordon en spirale.

Je me trompai trois fois de numéro avant d'entendre la voix tant espérée :

— Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur de Brett Johansson. Je suis très occupé avec cette beauté pour le moment, alors vous pouvez me laisser un message vocal après le bip sonore. Je vous rappellerai lorsque j'aurais réussi à installer ma carte graphique entre ses ventilateurs et son superbe watercooling. Salut.

Le fameux bip ne venant pas, j'osai un hésitant :

— Brett ?

— Oui ? répondit-il dans la foulée.

Je grognai. Qu'il était con, un vrai gamin. Si je ne craignais pas qu'il s'insurge et me raccroche au nez, je l'aurais insulté. Une vraie soupe au lait, celui-là.

— Dalaena, c'est toi ?

— Oui, mon téléphone est mort. J'ai un souci, déclarai-je sans détour.

— Ça c'est sûr, qu'est-ce que tu fous paumée dans les White Mountains ?

— Comment tu sais ça ?

— Je me suis amusé à tracer ton appel pendant que tu attendais le bip. C'était très long.

— Tu es un enfoiré. Je suis en mission ici, c'est assez... spécial. Est-ce que tu pourrais faire quelques recherches pour moi, si tu n'es pas trop occupé ?