Presque émerveillée, je relevai les yeux de mes doigts. Je secouai la tête devant son sourire.
— Mais comment... ?
— Je t'ai dit que j'étais puissant, se contenta-t-il de répondre en haussant les épaules. C'est toi qui n'as pas voulu me croire.
Reconnaissante, j'inclinai la tête.
— Merci.
— C'est rien. Il te faut deux mains valides pour montrer de quoi est fait l'agent spécial Dalaena.
Ne pouvant m'en empêcher, et malgré la menace qui planait sur nous, je laissai mes lèvres s'étirer.
— Et ils vont sacrément en baver, surenchéris-je.
— Pour sûr, acquiesça-t-il en me rendant mon sourire. (Il pointa un coin de la cave d'un doigt.) Tu vois les chaînes qui sont accrochées au mur ?
Je suivis la direction montrée, et détaillai les maillons aussi épais que la paume de ma main. Quand je me retournai vers lui, mon faciès voulait dire beaucoup.
— Il en est hors de question, tranchai-je en le pointant du doigt. Je ne t'attacherai pas avec ça.
— Si, insista-t-il en s'accrochant aux barreaux les plus proches. Si, tu vas le faire. Tu sais pourquoi ?
Je croisai les bras sur ma poitrine.
— Parce que tu es très très fort et que le méchant toi ne fera qu'une bouchée de ces barreaux de pacotille ? raillai-je, soudain submergée par un flot de terrifiants doutes.
— Tout à fait. Tu n'imagines pas à quel point je suis fort.
En percevant les picotements qui engourdissaient encore le bout de mes doigts, j'en avais une vague idée. Qu'il insiste autant pour être doublement emprisonné ne me rassurait pas.
— Va les chercher, Dalaena. Je t'en prie, dit-il après un instant.
Après un coup d'œil à son visage préoccupé, j'obtempérai avec difficulté. Les épaisses chaînes pesaient le poids d'un éléphant mort, je fis un boucan monstre en les traînant au sol. Quatre d'entre elles étaient reliées à des menottes pour immobiliser séparément les mains et les pieds, et une autre, plus longue, se terminait par un collier incrusté de longs pics en argent.
Sans un mot, il tendit ses poignets devant lui et je refermai à contre-cœur les menottes autour. Les cliquetis qui résonnèrent parvinrent même à faire taire Tina pendant une seconde. Avec un regard satisfait, Dorian les testa en tirant dessus. Les chaînes se déplacèrent comme si elles ne pesaient pas une tonne – pire, il ne parût même pas se rendre compte de leur poids.
— C'est bien. Aux chevilles, maintenant.
Il tendit une jambe devant lui, et je m'exécutai avec difficulté. Idem avec la deuxième.
Mais lorsqu'il rejeta la tête en arrière, mettant à découvert la colonne de sa gorge, je m'immobilisai, le collier à pics dans les mains.
— Allez, m'encouragea Dorian.
Même s'il ne me vit pas, je secouai la tête.
— Je ne peux pas.
Entre mes mains, le cercle de torture tremblait.
— Si. Attache ce truc, qu'on en finisse.
Soudain, tout en parlant, Dorian bougea imperceptiblement de position, et la lumière trop vive des néons éclaira différemment sa peau. Je remarquai une cicatrice sous son oreille, sept ou huit centimètres en-dessous, que je n'avais encore jamais vue.
Je fronçai les sourcils en penchant la tête, le regard braqué sur sa peau.
— Ça vient ? Contrairement à ce que tu as l'air de penser, nous n'avons pas toute la nuit.
Dorian venait de parler, mais je n'avais entendu aucun des mots qu'il venait de prononcer. Ils m'avaient traversé comme du vent au-travers d'un drap étendu.
Il n'avait pas une cicatrice sur le côté du cou, il en avait tout autour.
Comme si le métal que je tenais entre mes mains était soudain devenu brûlant, je le lâchai aussitôt. Le bruit qu'il fit en touchant le sol attira l'attention de Dorian et il redressa la tête en soupirant.
Avant même qu'il n'ouvre la bouche pour essayer de me convaincre, je le devançai en pointant un doigt sur son torse.
La découverte que je venais de faire me laissait interdite. Et très en colère.
— Il en est hors de question, c'est clair ?
— Dalaena, soupira-t-il. Le temps presse, non ?
— Arrête ça tout de suite si tu ne veux pas que je te frappe, m'indignai-je en serrant les dents, le ton tremblant de rage. Qui ?
Devant son absence de réponse, je donnai un coup de pied qui envoya le collier de torture au loin. Il termina sa trajectoire contre un mur. Ces cicatrices ne dataient pas d'hier, elles étaient anciennes. Aussi anciennes que...
— Qui ? hurlai-je presque en frappant mes poings contre les barreaux qui nous séparaient. Qui inflige pareil supplice à un enfant ?!
La fatigue dans le regard de Dorian ne m'arrêta pas.
— Très bien. Ne réponds pas. Mais je ne te ferai pas subir ça à mon tour.
Contrairement à ce que j'aurais pu imaginer, son soupir vaincu ne me procura aucune once de plaisir.
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Sortir les griffes T1
ParanormalDorian Morff est le plus horripilant de tous les Alphas de cette foutue planète. C'est le premier constat qu'a fait Dalaena après leur désastreuse rencontre. Excellent membre de la Guilde, c'est tout naturellement - et contre son gré - qu'elle est e...