Chapitre 11 (2/4)

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— Dorian ? réalisai-je en maudissant le vent qui n'avait poussé aucune odeur vers moi. Bordel, mais qu'est-ce que tu fous là ?

D'un geste agacé, je glissai le couteau dans l'arrière de ma ceinture, détaillant les alentours. Cet homme était un imbécile, à toujours se glisser entre mes pattes. Il avait le chic pour se rappeler à mon esprit quand celui-ci parvenait pourtant à penser à autre chose.

Je me baissai pour ramasser le contenu des sacs répandus au sol, cachant ma gêne derrière un masque de mauvaise humeur.

— Tu m'as foutu les jetons.

— Je sais. J'ai vu.

Je serrai les dents en le voyant s'agenouiller à mes côtés pour m'aider. Je ne voulais pas de lui ici. Nos doigts s'effleurèrent dans la nuit et, pendant une seconde – rien qu'une toute petite seconde –, je savourai ce contact... avant de me rappeler.

Sans délicatesse, je lui arrachai des mains la pierre à aiguiser qu'il tenait. Puis, je relevai la tête, croisant enfin son regard.

— Ne sois pas désolé surtout, maugréai-je en tirant sur la fermeture Éclair du sac. J'ai failli te tuer.

— Avec ton attaque de poudreuse ? Non, je ne crois pas. Mais ça m'a mouillé.

Je ne répondis pas à son ton, et nous nous relevâmes de concert.

— Qu'est-ce que tu veux ? demandai-je en ouvrant la portière arrière pour y glisser le sac.

Le thermos que son fils m'avait donné la veille trônait au sol sur la moquette, et je me penchai pour le ramasser.

— Te dire de passer la nuit avec moi.

À ses mots, je me redressai, me cognant la tête contre le plafond de la voiture. Je jurai en tournant la tête dans sa direction, toujours penchée en avant dans une position ridicule, la main sur la bouteille en aluminium.

— Pardon ?

J'avais mal entendu, forcément. Lentement, je me redressai. Alors qu'il ne répondait pas, gardant le silence, je refermai la portière et lui tendis le thermos – comme s'il ne venait pas de me faire une proposition indécente.

— Tiens. C'était vraiment mauvais.

De mauvaise grâce, il attrapa ce que je lui tendais, mais je ne le lâchai pas. Je captai son regard, si semblable à la couleur de la lune dans son dos.

Puis, quand, enfin, il se décida à parler, je crus que mon cœur allait s'arrêter...

— Tu as vu ce qui est arrivé à Dave. Je refuse que la chose qui a pris possession de lui puisse s'en prendre à toi aussi. (Une pause.) Sais-tu combien coûte un service d'envoi de colis par ici ? Renvoyer tes restes à Jasper me coûterait une fortune.

... puis qu'il allait être réduit en petites miettes.

Je lâchai le thermos que nous tenions comme s'il m'avait brûlé. Le bras de Dorian retomba le long de son corps.

Ne montrant rien de l'émotion qui venait de m'atteindre, je lâchai simplement :

— Tu es un véritable connard, tu le sais ? Tu peux rentrer chez toi, je préfère rester ici.

— Je ne te laisserai pas passer la nuit ici. C'est dangereux. Tu seras plus en sécurité avec la meute.

À ses mots, je tiquais en relevant un sourcil. Je croisai les bras contre ma poitrine et m'appuyai contre la voiture, ignorant l'humidité qui détrempait ma veste.

— N'est-ce pas justement pour la protection de la meute que je suis reléguée à pioncer dans cette passoire thermique ?

Il eut le culot de hausser les épaules. Enfoiré.

— J'ai changé d'avis.

Sans rien ajouter de plus, il glissa le thermos sous son bras, mit les mains dans ses poches et fit demi-tour. Comme certain que j'allais le suivre.

Je ne bougeai pas.

Une dizaine de mètres plus loin, il lança par-dessus son épaule :

— Je te prêterai même ma baignoire.

L'appel de l'eau chaude eut raison de moi, et je récupérai mes deux gros sacs de mauvaise grâce. De la hanche, je refermai avec brutalité la portière. À ce bruit, Dorian s'arrêta et se retourna à demi vers moi.

La lune baignait son profil d'une lueur argenté, rendant sa beauté presque irréelle.

Je le rejoignis en claudiquant.

— J'espère au moins que ton lit est plus confortable que la banquette de la bagnole.

Il s'empara de mes sacs en ricanant.

— Qui te dit que tu vas voir la couleur de mon lit ? Tu auras le canapé, oui. Non mais. Je ne suis pas un homme facile.

La prochaine fois, je réfléchirai à deux fois avant de m'adresser à ce démon trop sexy.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant