Il régnait dans la maison de Dorian une chaleur agréable qui ne mit pas longtemps avant de me pénétrer jusqu'aux os. Être ici était bien plus agréable que devoir se geler les miches dans la Dacia.
Lorsque nous étions rentrés, Kit se trouvait devant la télé, affalé sur le canapé, obnubilé par Breaking Bad. Nous ne voyions que le dessus de sa tête dépasser des coussins, le meuble se trouvant au milieu de la pièce, tourné face au mur sur lequel se trouvait accroché un grand écran plat.
Il m'avait adressé un signe de la main, puis était retourné dans son épisode en nous ignorant. À l'écran, Walt et Jesse se trouvaient au beau milieu du désert, sans eau ni nourriture, avec un camping-car en panne. Un sourire nostalgique me vint en regardant ces personnages se disputer. Je n'avais pas repensé à cette série depuis des années, alors que je l'avais dévorée lorsqu'elle était sortie.
— Je peux me joindre à toi ? demandai-je spontanément au gamin.
Il tourna la tête vers moi après avoir écouté une réplique du professeur de chimie jusqu'au bout.
— S'tu veux.
Kit releva les jambes pour me faire une petite place sur le canapé, et je me glissai à ses côtés.
Dans mon dos, je sentais les yeux de Dorian me sonder. Puis j'entendis les marches menant à l'étage craquer, et je me détendis.
— T'en veux ?
Je me tournai vers Kit, qui me tendait un bol de chips, le visage tourné vers la télé. J'en pris une bonne poignée, que je fourrai dans ma bouche, puis une seconde dans mon autre main pour patienter.
— Yep, merci, répondis-je la bouche pleine.
J'entendis ensuite de l'eau couler à l'étage, et l'image de Dorian nu, aspergé par l'eau brûlante de la douche, s'imprima dans mes rétines. Je perdis ensuite complètement le fil de la série, et je me levai brusquement. Kit me lança un regard interrogateur.
— Ça va ?
— Oui, mais il faut que j'aille aux toilettes.
— En haut de l'escalier. Tu veux que je mette l'épisode en pause ?
L'attention me fit sourire. C'était un gentil garçon.
— Non, merci. Tu peux continuer, je l'ai déjà vu.
— OK.
Je n'avais encore jamais franchi les marches qui menaient à l'étage, et faire cette exploration seule me fit me sentir comme une intruse. À part le grand salon ouvert sur la cuisine, je n'avais rien vu de cette maison, en réalité. Tu as bien espionné l'atelier de peinture de Dorian depuis l'extérieur, chuchota une petite voix à l'intérieur de ma tête. Certes. Mais je n'en avais eu qu'un tout petit aperçu, l'Alpha en train de peindre ayant accaparé une bonne partie de mon attention.
Je grimpai l'escalier en laissant glisser ma main le long de la rambarde. Il débouchait sur un palier où se dressait quatre portes closes.
J'éliminai d'office celle où un poster de Nirvana accompagné d'un panneau « défense d'entrer » étaient accrochés. Cette porte criait la chambre d'ado. Malgré la tentation, j'écartai aussi celle d'où s'échappait un mince filet de vapeur. Purée, ça devait être bien chaud – dans tous les sens du terme.
J'appuyai sur la poignée la plus proche, et poussai la porte.
J'inspirai brusquement en tombant nez à nez avec mon propre reflet. Enfin non, c'était bien plus beau que mon visage, une véritable œuvre d'art.
Une profondeur inédite avait été rajoutée à mes yeux, les rendant incroyablement séduisants. Les couleurs étaient parfaitement bien représentées, le vert se mélangeait à la perfection au cercle noisette qui entourait mes iris. Même le grain de beauté qui marquait le dessous de mon œil droit était là.
Ma bouche était entrouverte, mes lèvres subtilement rosées. Un aspect lisse et humide avait été rajouté – elles étaient bien plus belles qu'en réalité. La longueur de mes cheveux avait été légèrement raccourcie, et des mèches échevelées encadraient mon visage.
Dorian Morff avait peint mon visage.
D'une manière incroyable, sensuelle et attirante.
Intérieurement, mon cœur battait à un rythme effréné contre mes côtes, et j'avais cessé de respirer, mes poumons me brûlant.
Réalisant que l'eau ne coulait plus de l'autre côté de la salle de bain, je refermai en vitesse la porte sur le chevalet, gardant cependant la main sur la poignée.
J'étais arrivée dans les White Mountains depuis deux jours, et Dorian avait trouvé le temps de peindre mon portrait à l'identique. À quel moment au juste m'avait-il détaillé ainsi, au point de reproduire mes traits sans modèle ?
Je sursautai lorsque la porte de la salle de bain s'ouvrit sur Dorian. Ma main lâchant la poignée, je me tournai vers lui. Je le regrettai aussitôt. Il n'était vêtu que d'une serviette éponge, cintré bas autour de ses hanches. Un épais nuage de vapeur s'échappa de la pièce, venant me caresser les joues.
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Sortir les griffes T1
ParanormalDorian Morff est le plus horripilant de tous les Alphas de cette foutue planète. C'est le premier constat qu'a fait Dalaena après leur désastreuse rencontre. Excellent membre de la Guilde, c'est tout naturellement - et contre son gré - qu'elle est e...