Chapitre 18 (3/3)

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D'un côté, de vieux cartons se mélangeaient à des malles et à des tableaux recouverts de draps. L'épaisse couche de poussière immaculée indiquait que rien n'avait bougé ici depuis très longtemps. Je remarquai trois vélos aux pneus fatigués dans un coin. Rien qui sortait de l'ordinaire d'une cave.

En revanche, de l'autre côté de la pièce, trois cages s'alignaient sur un pan de mur entier. Les barreaux étaient aussi épais que mes avant-bras. Ils brillaient d'un éclat argenté, rutilants. La complexité des verrous me rassura. Sans m'en rendre compte, je hochai la tête en remarquant les énormes boulons qui maintenaient les cages soudées au sol.

Enfermée là-dedans, Tina serait incapable d'en sortir seule.

Nous la déposâmes au centre de la première et Dorian verrouilla aussitôt la porte. En entendant les nombreux cliquetis s'enclencher, j'avisai les griffures faites dans le ciment du sol. Ces entailles ne semblaient pas récentes.

— Personne n'est venu ici depuis longtemps, constatai-je en repoussant du pied des morceaux de mortier qui s'effritèrent.

— Non.

Je haussai les sourcils en me tournant vers lui, attendant la suite. Il n'espérait pas que j'allais me contenter de cette seule explication pourrie, quand même ?

— Remontons.

Déjà, il me tournait le dos pour retourner à la surface. Alors que j'allais me résoudre à l'imiter, un détail me figea. Des chaînes grosses comme celles utilisées pour des levages sortaient des pierres du fond. En réalisant qu'elles étaient reliées à des colliers en acier, ornés de pics probablement en argent, et des menottes aussi larges que ma main, un ignoble frisson me parcourut la colonne vertébrale.

Malgré son soudain comportement distant, je ne parvenais pas à imaginer Dorian utiliser ce type de torture pour punir un de ses loups récalcitrants. Mon estomac se retourna en pensant au pire. Ces trucs avaient-ils été utilisés pour guider des jeunes loups dans leur transition ?

— Je sais à quoi tu penses.

La voix de Dorian me fit sursauter. Je me forçai à déglutir avant de me tourner dans sa direction. Voyant que je ne l'avais pas suivi, il était revenu sur ses pas. À sa tête, ça ne l'enchantait guerre. Je revêtis mon masque d'impassibilité en un clin d'œil – tout comme lui, visiblement.

— Voyez-vous ça, répliquai-je en plissant le front. J'en doute. À moins que j'intègre cette meute, tu n'auras jamais la possibilité de t'incruster dans ma tête.

Comme mût de sa propre volonté, son loup imposa sa présence dans les iris de son maître. Un regard sombre et prédateur qui me cloua sur place. Cet animal-là n'était vraiment pas commode. Le désir de me lacérer était si flagrant que je me retins de reculer d'un pas.

Au contraire, il fallait que j'avance. Ce fut l'information que mon cerveau envoya à mes jambes, mais celles-ci restèrent de glace.

Dorian ferma un instant les yeux, un pli entre ses sourcils. Lorsqu'il les rouvrit, le loup avait disparu.

Libérée de mes entraves invisibles, je me hâtai de le contourner pour retourner dans le jardin. J'avais besoin d'air. Alors que je posais le pied sur la première marche, je m'immobilisai et me tournai vers la seule cage occupée.

— Tiens bon, Tina. On va trouver l'enfoiré qui t'a transformé en ce truc poilu et puant. Tu pourras bientôt de nouveau rentrer dans ton skinny en cuir et réaliser ton eye-liner à la symétrie parfaite. Et tu pourras même me préparer toute une fournée de muffins au chocolat en guise de remerciement.

Je n'attendis pas que Dorian me dise de quitter les lieux pour remonter à la surface. Je grimpai les marches trois par trois.

La fraîcheur de l'atmosphère nettoya mes poumons de l'air vicié de la cave, chassant les effluves de magie noire qui collaient encore à mes narines.

Cette pause odorante fut de courte durée ; l'irritabilité de Dorian était de retour.

— Allons à l'intérieur, il faut que je te parle.

Son ton sec et les vagues de colère qu'il dégageait par salves presque incontrôlables n'inauguraient rien d'agréable.


Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant