Chapitre 14 (2/2)

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Je réintégrai la pleine possession de mes moyens dans une inspiration brutale. Les doigts enfoncés dans la neige, les poumons brûlants, je relevai la tête en clignant des paupières. Essoufflée comme après une apnée trop longue.

La première chose que je vis fut Dorian, seule touche de couleur dans ce paysage hivernal. Une main à moitié dans la gueule de la bête, l'autre tirant sur les poils plus longs entre ses oreilles, il parvenait à maintenir immobile la créature par cette seule prise.

Les crocs enfoncés dans la peau de l'Alpha faisaient couler son sang dans la neige, créant un contraste olfactif saisissant. Bordel, cet homme était fascinant.

L'énorme tête était maintenue afin de conserver leur contact visuel. De profil, les yeux de Dorian étincelaient d'un éclat ardent, concentré comme jamais auparavant. D'où je me trouvais, leur bleu polaire habituel paraissait presque blanc. Il régnait dans l'atmosphère une ambiance tendue, aussi silencieuse que dans un mausolée. Un minuscule rien aurait pu tout faire basculer, au point où je n'osais même plus respirer.

Comme captivé par son regard, la bête ne bougeait plus. D'un coup de griffes, elle aurait aisément pu ouvrir en deux le corps qui la ceinturait, mais elle n'en faisait rien. Le pouls qui battait frénétiquement à son cou plus tôt s'était à présent calmé, et leur échange de regards était si intense qu'on aurait pu croire qu'ils communiquaient par télépathie.

— Change.

Ce simple mot, profond, aussi cinglant qu'un coup de fouet et vibrant d'un pouvoir antique, me propulsa de nouveau dans une phase qui allait à l'encontre de mes choix.

Projetée presque à quatre pattes, refusant de me plier à cet ordre qui ne m'était pas destiné, je tremblai de tout mon être. En moi, la louve s'insurgeait, les muscles douloureux.

Même s'il aurait été beaucoup plus simple de lâcher la bride, cette seule idée m'horripilait, mon instinct luttait contre. J'en aurait été tout à fait incapable.

Avec horreur, contre mon gré, je regardai mes doigts se transformer en griffes. Inconsciemment, j'enregistrai des craquements d'os provoqués plus loin, des grognements mi-humain, mi-animal, et le bruit que fait la chair quand elle se déchire.

Je serrai les mâchoires en regardant les poils drus de ma louve apparaître sur mes avant-bras. Non ! Complètement impuissante, les yeux brûlants, j'étais à deux doigts de m'évanouir.

Dans un autre contexte, j'aurais pu être admirative du talent de Dorian. Il était d'une dominance incroyable, digne de celle qu'il faut posséder afin de diriger une meute. Qu'il parvienne à dissimuler autant de pouvoir et de puissance au quotidien, avec son flegme évident, relevait du surréalisme. Pas une seconde, ce subterfuge ne m'avait effleuré l'esprit.

Dans une ultime tentative de rejet, je grondai, en symbiose avec ma louve, tentant de repousser cette magie que nous prenions comme une insulte.

Puis tout s'arrêta.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant