— Kit ? appela-t-il en fronçant les sourcils. Tout va bien ?
Depuis sa chambre, l'ado hurla :
— C'est pas moi, j'ai rien fait !
Comme à l'époque, nous échangeâmes un regard avant de monter les escaliers en silence. Sur le palier, Dorian me montra du doigt la porte de la salle de bain, et referma la main la poignée qui desservait son atelier. Toujours en silence, il compta jusqu'à trois, et je baissai les yeux sur ses lèvres.
À son signal, nous ouvrîmes chacun notre porte, de manière un peu vive.
Personne ne se trouvait à l'intérieur de la salle de bain. En revanche, on avait jeté un caillou de la taille d'une brique à travers la fenêtre, et du verre brisé recouvrait le carrelage du sol.
— Rien dans l'atelier, entendis-je.
Je sentis Dorian revenir sur ses pas et regarder par-dessus mon épaule.
— Fais chier, lâcha-t-il.
En nous entendant, Kit sortit de son antre et constata à son tour les dégâts.
— Oh, bah merde, on n'a plus de fenêtre. Qui a fait pu faire ça, papa ?
— Des jeunes voulant signifier à leur Alpha de changer les traditions trop poussiéreuses ? grommela Dorian en glissant un coup d'œil suspicieux à son fils.
— Vous avez discuté ? constatai-je en adressant discrètement un pouce levé au môme. C'est bien ça. Mais c'est peut-être un peu excessif, non ?
— Un peu, ouais, acquiesça Kit en écarquillant les yeux.
— Ça ne colle pas trop avec leur manière de faire, réfléchis-je à haute voix. Ils sont plutôt du genre à faire les choses en douce sans embêter personne.
— Tu étais au courant, réalisa Dorian en croisant les bras. Et tu ne m'as rien dit.
Je haussai les épaules.
— Ce n'était pas à moi de le faire. J'ai juste suggéré à Kit de le faire.
— Oui, papa. C'est vrai. Sans Dala, je crois que je n'aurais rien dit. Les potes ne voulaient pas.
— Mmh.
— Est-ce que quelque chose a été volé ? m'enquis-je.
Dorian pénétra dans la pièce, m'effleurant au passage. La semelle de ses chaussures crissa sur le verre. Du plat de la main, il chassa quelques morceaux ayant atterris sur le couvercle du panier à linge sale. Pensif, il fit le tour de la pièce en secouant la tête.
— Non, tout est là. Qui stockerait quelque chose de valeur dans sa salle de bain ?
Tout en réfléchissant, je me mordillais les lèvres. Quelque chose clochait.
— Je vous laisse bosser, je retourne jouer à WOW, nous informa l'ado d'une voix traînante.
À mon tour, je pénétrai dans la salle de bain à la recherche du moindre indice. Sur les tablettes qui encadraient le miroir, tout était soigneusement ordonné. La bouteille de parfum, le déodorant, le joli pot contenant des cotons-tiges... tout était à sa place. Sur la vasque, aucune goutte d'eau ne venait salir la robinetterie.
Je jetai un coup d'œil en biais à Dorian.
— Tu es un maniaque ?
Au lieu de me répondre, il s'accouda au chambranle de la porte. Malgré le mur éventré, son odeur boisée emplissait la pièce.
Je pointai du doigt la brosse à cheveux qui trônait en diagonale à côté du lavabo. Elle dénotait dans le décor et j'avais presque envie de la faire pivoter moi-même de trente degrés sur la droite, histoire de l'aligner correctement.
— Et ça, c'est à qui ?
— À moi. Celle de Kit est dans le panier des brosses en dessous.
Je haussai un sourcil en sortant ledit panier de sa cachette. « Le panier des brosses », carrément.
— Alors pourquoi n'est-elle pas à sa place dans... le panier des brosses ?
Dorian ouvrit la bouche, la referma et effectua ceci plusieurs fois.
— Je n'en ai aucune idée.
L'hypothèse qui était en train de se mettre en place dans ma tête ne me plaisait pas du tout.
— Je pense qu'il faut qu'on te mettre très rapidement à l'abris.
— À l'abris ? répéta-t-il. À l'abris de quoi ?
— De qui, plutôt, le corrigeai-je. L'Omega pensait que quelqu'un avait enlevé son fils, expliquai-je en voyant son regard se noircir à mesure que je parlais, je suis allée regarder s'il n'y avait pas des traces dans les bois. Je suis tombée nez à nez avec une fille – en y repensant, je suis sûre que c'est la sorcière que nous recherchons –, elle était en mauvais état contre un tronc. Et, comme s'il était seulement en balade, Erwan est sorti de derrière arbre, énumérai-je en levant un par un les doigts de la main valide. Je lui ai demandé de m'aider pour ramener la fille ici, et cet idiot m'a assommé. Je me suis réveillée menottée dans une grotte. Et j'ai découvert des pentacles avec les noms de Nathalie, de Dave, de Tina. Ils étaient peints avec du sang sur les murs.
Lorsque j'eus terminé ma tirade, Dorian écumait de rage.
— Nom de dieu, Dalaena ! s'écria-t-il en levant les bras de manière impuissante. Tu aurais dû m'en parler dès que Franklin t'a évoqué la possible disparition d'Erwen.
Très sereinement, je haussai les sourcils. Il en avait de bonnes !
— Tu venais de me dire de dégager le plancher. C'était juste sensé être un repérage.
— Un repérage qui s'est transformé en guet-apens, merde ! La sorcière aurait pu te tuer ou te transformer de force.
— Justement, dis-je avec difficulté. Sur un des murs...
Ignorant la meilleure option pour révéler ce genre de choses, je grimaçai en me mordillant l'intérieur des joues. Je ne voulais pas que Dorian puisse être la prochaine, mais le temps filait à toute vitesse, et j'étais en train de le perdre inutilement. Je devais lui dire.
— Oui ? me poussa-t-il en avançant d'un pas. Qu'y avait-il sur un des murs ?
— Il y avait également un autre pentagramme réalisé dessus.
Ma voix se brisa sur la fin et Dorian jura en se frottant le front.
— Il y avait un nom dedans ?
Incapable de le dire à voix haute, je hochai la tête.
— Lequel ? Lequel, Dalaena ? répéta-t-il devant mon mutisme.
— Le tien. Et je crois que quelqu'un s'est introduit ici pour s'emparer d'un objet t'appartenant.
Je pointai la brosse à cheveux du menton.
— Quelques cheveux pour obtenir ton ADN, peut-être.
Dorian ne laissait pas le temps au choc de s'installer sur son visage. Il avait compris où je voulais en venir à la minute où j'avais mentionné son prénom. Sauf indice contraire, il était le prochain.
— Allons au sous-sol, ordonna-t-il. Ne perdons pas une minute.
Déjà, il tournait les talons, dévalant l'escalier au pas de course.
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Sortir les griffes T1
ParanormalDorian Morff est le plus horripilant de tous les Alphas de cette foutue planète. C'est le premier constat qu'a fait Dalaena après leur désastreuse rencontre. Excellent membre de la Guilde, c'est tout naturellement - et contre son gré - qu'elle est e...