Chapitre 10 (4/4)

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Contre toute attente, l'ado dépassa la maison aux volets fermés, et se rapprocha des enclos. Les cris des bêtes m'alertèrent. Le scénario des boucs allait-il se répéter ? Toute la meute étant rassemblée sur la place principale, c'était le moment idéal pour faire une grosse connerie. Comme tuer des gens, trahir sa meute ou faire joujou avec une magie interdite.

Et surtout, la raison pour laquelle ce gamin avait caché une pomme dans son pull me turlupinait. Soit il la gardait pour plus tard ; l'estomac des jeunes loups était un puits sans fond, soit il était victime de malnutrition à cause de son rang d'oméga ; étonnant venant de cette meute, mais pas impossible. Soit il la gardait pour la donner à quelqu'un d'autre. Genre un putain de complice magicien caché dans la forêt et prêt à tous nous tuer.

Erwen longea l'enclos d'un cheval, et je le suivis en me penchant en avant, aussi discrète que possible.

Malheureusement, j'avais oublié un détail de taille : les biquettes s'affolèrent devant mon odeur de prédatrice, et elles bêlèrent de concert dans leur enclos. Grâce à la neige, j'entendis les pas du gamin s'arrêter net.

— Il y a quelqu'un ?

Je jurai à voix basse. Méfiant, Erwen fit pivoter son corps et agrippa la barrière qui empêchait le cheval de sortir, grimpant même sur le premier barreau. Tout en détaillant les alentours, il attrapa la pomme et la tendit à l'animal, qui avança patiemment jusqu'au jeune loup avant de la rafler d'un coup de dents.

Grâce à la vision nocturne de ma louve, je voyais presque aussi bien qu'en plein jour. Pourtant, je plissai les yeux. L'attitude de ce gamin titillait mon alarme interne.

Pas un instant, Erwen n'avait regardé le cheval qu'il était venu nourrir.

Pendant un instant, seul le bruit de la pomme réduite en morceau résonna dans le silence. Alors que j'hésitai entre rester à couvert et me montrer, Erwen décida pour moi : il s'enfuit en courant, coupant à travers les bois.

Sans hésiter, je le suivi, aussi silencieusement qu'un fantôme.

Erwen n'alla pas loin : je l'attrapai par sa capuche et le plaquai contre un arbre cent mètres plus loin, un bras en-travers du torse. Avant même que je n'ouvre la bouche, il leva les bras devant son visage en hurlant :

— Me mangez pas, je vous en prie !

J'eus une seconde d'arrêt devant son expression terrifiée et ses paupières plissées. Puis je me repris en secouant la tête.

— Arrête ton cirque et explique-moi ce que tu fiches là.

En entendant ma voix, le gosse sembla se ramollir sur lui-même, puis il retrouva aussitôt son attitude détachée. Il s'affala contre l'écorce derrière son dos en soupirant.

— Putain. C'est toi, Héléna.

— Dalaena, corrigeai-je en marmonnant.

Son front était humide de sueur, et il respirait aussi vite que s'il venait de courir un marathon. D'ordinaire, parcourir une centaine de mètres n'était rien pour un métamorphe.

— Ouais, tu m'as foutu la trouille. J'ai cru que c'était un monstre.

Je reculai d'un pas en récupérant mon bras. Il ne semblait même pas s'être aperçu de mon geste. Pour le coup, l'ado semblait réellement avoir été mort de peur.

— Pourquoi as-tu quitté la cérémonie, Erwen ?

En réponse, il haussa les épaules. Visiblement, il avait vite retrouvé son attitude désabusée. Sale impertinent de mes deux.

— Fallait le dire, si c'était interdit, se justifia-t-il néanmoins devant mon regard méchamment appuyé.

— Allais-tu rejoindre quelqu'un ? interrogeai-je.

— C'est un interrogatoire ? s'enquit-il avec un rictus.

— Tout à fait. Alors ?

— Crétine, lâcha-t-il dans sa barbe.

Devant son insolence, je le poussai de nouveau contre l'arbre.

— Mais ! grimaça-t-il en se tortillant. Crétine, c'est le nom de la jument ! T'es folle ou quoi ? Franchement, je vois pas ce que te trouves Dorian. Une vraie tarée, marmonna-t-il derechef.

— Le cheval s'appelle Crétine ? répétai-je sans relever, un sourcil haussé.

— Tout à fait. Elle appartenait à Dave, dit-il sèchement en réajustant ses vêtements. Si c'était interdit de venir la voir, fallait le dire. Elle est autant en deuil que nous tous.

Plus loin, vers la droite, j'entendis une branche se briser, et j'arrêtai d'écouter les diatribes d'Erwen. Après une seconde le silence réapparut. Une couche de neige durcie par le gel crissa quelque part au même endroit.

Je ne bougeai pas, mais toute mon attention était braquée sur ce secteur.

Mon instinct me criait que nous n'étions pas seul. Mais pour ne pas mettre inutilement Erwen en danger, je posai mon index sur mes lèvres, et écarquillai les yeux à son intention.

— D'accord, désolée. Rentre et cours vite, chuchotai-je en me penchant vers lui.

Je scrutai les environs durant quelques minutes, ma propre respiration en échos, puis me rendis à l'évidence ; j'étais de nouveau seule dans les bois, ma chance était passée.

Toujours aux aguets, je fis demi-tour et suivis les traces que la course maladroite du gamin avait laissée dans la neige. Les coups d'œil réguliers que je jetai par-dessus mon épaule ne servirent qu'à me rassurer.

La piste d'Erwen me mena droit à la place centrale. Quels qu'aient été mes soupçons, je m'étais plantée encore une fois.

***

Hello la compagnie ! Alors, qu'en pensez-vous ?

Un univers différent de celui de la Confrérie, mais je m'éclate à l'écrire 😋

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Des bisous, et à très vite ! 😉

Anastasia ❤

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