Chapitre 4 (1/2)

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En cette période hivernale, la nuit commençait déjà à poindre sur les montagnes, alors qu'il était à peine 16 heures.

J'avais interrogé Oliver, Stacy et Ian. S'ils m'avaient été dans un premier temps hostiles, la simple présence de l'Alpha les avait rapidement convaincus d'avouer ce qu'ils savaient. Rien, c'est-à-dire. Ils avaient entendu les animaux s'agiter, puis avait regardé par la fenêtre pour découvrir la scène macabre, rien d'autre.

Dorian et moi remontions l'allée principale en silence, se rapprochant de la place centrale. Contre un bâtiment, une pancarte illustrée d'une tasse fumante laissait deviner un café, mais c'était l'unique panneau du village.

— Il n'y a pas d'hôtel ? demandai-je bêtement.

— Pourquoi y aurait-il un hôtel ? répondit l'Alpha en plissant le front. Vous n'avez pas lu le panneau en arrivant ?

— Non, mentis-je avec aplomb.

Dorian m'adressa un coup d'œil en biais. Tout en glissant les mains dans ses poches, il marmonna :

— J'en doute.

— Ah, vous parlez de celui qui disait « Dégagez » ? Pardon, oui. Celui-là, je l'ai vu.

— Mais ça ne vous a pas empêché d'atterrir ici.

Je haussai les épaules. La fontaine au loup se dressa devant nous, et nous sous séparâmes afin de la contourner. Lorsque l'Alpha fut de nouveau dans mon radar visuel, je lui adressai un sourire qui suintait d'animosité mielleuse.

— Hélas, non. Ce n'était pas une pauvre barrière de Cro-Magnon qui allait m'arrêter. (Nous continuâmes de marcher l'un à côté de l'autre.) Et vous en êtes heureux, osai-je surenchérir.

— C'est ça.

— Où puis-je dormir, dans ce cas ?

— Dans votre bagnole.

Outrée, je tournai la tête vers lui si vite que mes cervicales craquèrent. J'avais mal entendu, forcément.

Malgré la température glaciale, son ricanement de gorge sexy me fit transpirer.

— Ce n'était pas une blague, réalisai-je lorsque Dorian me tendit une couverture pliée et un bas de jogging lui appartenant.

Son gosse s'approcha même pour déposer un thermos brûlant sur le haut de la pile que je tenais. Une infusion d'aiguilles de pin, à l'odeur. Super. Je détestais ça.

— Il ne sait pas faire de blague, s'excusa l'ado avec un sourire contrit.

— Bien sûr que si, maugréa son père. Mais vous ne les comprenez pas, nuance. Monte dans ta chambre, Kit.

Tandis que le gamin grimpait à reculons les marches qui menaient à l'étage, je fronçai les sourcils à l'attention de son père.

— Il n'y a pas de nuance. C'est juste que personne ne rit à vos blagues, en fait.

Pour seule réponse, l'Alpha ouvrit la porte d'entrée et s'effaça pour laisser le passage libre. Son regard noir me fit ricaner et je sortis la tête haute. Le claquement qui résonna aussitôt dans mon dos me fit pincer les lèvres.

Le vent frais qui m'accueillit me fit perdre mon sourire. Je descendis les escaliers en grognant quand mes cheveux me bloquèrent la vue. Il ne manquerait plus que je trébuche et que je me rompe la nuque sur le perron de l'Alpha. Une mort qui manquerait cruellement de panache.

Ma voiture était restée plus loin, et une légère couche de neige venait juste de tomber, rendant chaque pas un peu plus compliqué à mesure que je me frayais un chemin dans la poudreuse.

Je pestai contre ces foutus loups lorsque je jouai les équilibristes pour glisser la clé dans la serrure. Aussitôt fait, j'ouvris la portière et lançai mon fardeau sur le siège passager. Le thermos roula et finit sa course sur la moquette usée.

Le cuir effrité était glacial sous mon corps, de même que l'atmosphère, et j'insultai mentalement, puis à voix haute, le chef de ces malades.

Perdue en plein milieu de la forêt, je priai pour que le moteur s'allume. Il faisait si froid que je ne donnais pas cher de ma fourrure si je devais être privée de chauffage aussi. J'entendais encore parfaitement ses mots. Je ne mettrais pas ma meute en danger en y incluant un élément pouvant se révéler dangereux. N'importe quoi. Je lui avais ri au nez, et je me retrouvais là maintenant.

J'étais ici pour les aider, pas pour décimer la population, merde.

J'aurais même accepté de dormir avec Dorian, si cela pouvait lui prouver que la meute n'avait rien à craindre. Le sourire carnassier de ma louve à cette idée me fit grincer des dents.

— Même pas en rêve ! grommelai-je. Autant crever ici.

Il me fallut tourner deux fois la clé avant que le boucan du moteur de la Dacia ne résonne dans le silence des bois. Jamais un toussotement pareil ne m'avait fait autant plaisir.

Lorsque de l'air poussiéreux s'échappa miraculeusement des buses, je me précipitai dessus en y plaquant les doigts. Le courant encore glacial me fit faire un bond, et je jurai en me repoussant en arrière, soufflant entre mes paumes pour les réchauffer.

Le temps que le flux se réchauffe, je sortis pour aller déblayer la neige à l'arrière de la voiture, dégageant le pot d'échappement. J'étais dans un bled paumé, certes, mais je ne tenais pas particulièrement à y mourir asphyxiée au monoxyde de carbone. Cette bagnole aurait fait un très mauvais cercueil.

Frigorifiée, je retournai à l'intérieur, savourant la douce chaleur qui régnait désormais dans l'habitacle.

Mais pour combien de temps ? me demandai-je en regardant tous les voyants d'alerte affichés sur le tableau de bord.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant