Chapitre 29 (1/2)

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Plus tard, j'appris qu'Erwen avait avoué ses crimes en s'écroulant dans sa cage. Accablé à l'idée d'être traité comme un Oméga au bas de l'échelle, il avait voulu changer les choses à sa manière.

Il avait fait la connaissance d'Ellen Wirlova par le biais d'un ordinateur dissimulé au sous-sol de la bibliothèque, et ils s'étaient mis en tête d'échanger leur sang pour que le loup puisse bénéficier de ses pouvoirs magiques. En échange, il lui avait promis de la mettre à ses côtés à la tête de la meute une fois qu'il serait devenu l'Alpha.

Il s'était entraîné à maîtriser ses nouvelles facultés en testant la possession sur des membres aléatoires du village. Dave avait effectivement découvert leur repaire, et la fiole qu'il tenait dans ses mains au moment de sa mort était tout ce qu'il avait pu prélever là-bas avant de se faire attraper.

Lorsque que son corps aura purgé la totalité de la magie qui subsistait en lui, Erwen sera banni de la meute, officiellement déclaré comme paria. Son départ se fera silencieusement, et personne n'y assistera. Plus personne ne prononcera son nom, et cela sera comme s'il n'avait jamais existé.

Si aucune meute n'était prête à l'accueillir, et s'il survivait au déchirement émotionnel, à la rupture des liens qui le reliait à ses frères et à ses sœurs de cœur, il deviendrait un loup solitaire. S'il échouait, il mourrait seul quelque part, là où ses pattes le porteraient.

Le corps d'Ellen Wirlova serait restitué à son coven par le biais de la Guilde, et les circonstances de sa mort ne seront pas passées sous silence. La communauté des sorciers de Portland devait être mise au courant des dérives magiques de l'une des leurs.

Skaï s'était rendu au chevet de Tina, et son soulagement était tel qu'il se ressentait même depuis l'autre bout du village. Étant restée sous sa terrible forme durant plusieurs jours, elle fut priée de se reposer, et le Beta ne la quitta pas d'une semelle. Son corps était épuisé, il fallait qu'il se remette à son rythme.

Le calme était retombé sur les White Mountains, et les habitants donnaient l'impression d'être plus sereins et les volets se rouvraient petit à petit sur les façades des maisons.

Le statut d'Oméga serait revu et de nouvelles réglementations verraient le jour. En repensant à la fois où j'avais aperçu un couple se disputer sur la place, je me souvins du comportement qu'avait adopté l'actuel occupant du titre, Franklin, le père d'Erwen.

Alerté par les cris, il s'était interposé et le compagnon en colère avait projeté un coup de point dans le visage de l'Oméga sans sourciller. Après s'est défoulé sur le vieil homme, les deux tourtereaux étaient repartis main dans la main.

Nous étions assis autour de la table du salon, et Kit était monté à l'étage pour se reposer.

— Les règles changeront, affirma Dorian. Mais il y avait d'autres moyens pour y arriver, bon sang ! Erwen aurait pu directement venir m'en parler... ou Franklin. Nous avons perdu tellement... La meute ne sera plus jamais la même.

Le parfum pesant du regret émanait de son corps par vague.

— C'est vrai. Mais vous auriez pu perdre bien plus.

— J'aurais pu tout perdre, Dalaena. Au nom de la meute, je te remercie.

Lorsque la maison fut silencieuse, je commençai à en faire le tour pour être sûre de n'avoir rien oublié. Je pliai ma couverture avec une lenteur exécrable, et la posai sur l'assise du canapé.

— Tu cherches à t'enfuir ?

Je pivotai vers Dorian en sursautant. Il se détachait dans l'encadrement de la porte menant à sa chambre et ne portait qu'un simple boxer. La lumière dans son dos mettait en valeur chacun de ses muscles, et je le détaillai malgré moi des pieds à la tête.

— Il va bien falloir que j'aille faire mon rapport à la Guilde.

— En plein milieu de la nuit ?

Je haussai les épaules, et débarrassai la couverture pliée d'une poussière imaginaire.

— Pourquoi pas.

— En partant sans rien dire ?

— Les adieux n'ont jamais été ma tasse de thé.

— Pourquoi parles-tu d'adieux ?

— Parce que ma vie est à Chicago, mentis-je, je ne mettrais plus jamais un pied dans ces affreuses montagnes. Et tu as été clair, ma simple présence met en péril l'équilibre de ta meute.

Dorian détourna les yeux. Je vis qu'il se mordillait l'intérieur de la joue, comme s'il hésitait à dire quelque chose.

— Tu pourrais partir demain. Il fait nuit noire dehors.

Sans rien dire, je secouai la tête. J'avais fait mon temps ici, il était temps pour moi de filer.

— Une tempête de neige est attendue, insista-t-il. Kit t'adore, il va être dévasté demain matin si je lui dis que tu es partie comme une voleuse durant la nuit.

Sans pouvoir m'en empêcher, je détournai les yeux. Qu'il utilise la peine du gamin pour m'amadouer était un coup vraiment bas – mais ma détermination était ébranlée.

— Dis plutôt que je vais te manquer terriblement.

Il ne dit rien, et je soupirai.

— J'ai rangé mon lit, Dorian. Il faut que je rentre, j'ai beaucoup de route à faire.

— Non.

Je haussai un sourcil en plaçant une main sur ma hanche.

— Non ?

— Tout à fait. Je ne te laisserai pas partir en pleine nuit. Tu as vu l'état de ta bagnole ?

— La super mécano l'a réparée, non ? Au pire, elle roulera toute seule jusqu'au pied de la montagne.

— Tu sais très bien ce que je voulais dire. Viens te coucher avec moi.

— Pardon ?

Sans attendre de réponse de ma part, ou comme s'il savait que j'allais accepter, il fit demi-tour et retourna dans sa chambre.

— Allez, viens, dit-il sans élever la voix. 

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant