Sortir les griffes T1

Chapitre 13 (2/2)

Je grognai en percutant le sol recouvert de neige, les paumes brûlées par le froid. Je roulai des épaules en me relevant.

À quelques mètres de distance, nous nous jugeâmes du regard, défiant l'autre de se lancer le premier. Je fus surprise que cette créature possède assez de jugeote pour ne pas foncer tête baissée dans le tas – moi, en l'occurrence.

Y avait-il encore une étincelle d'intelligence humaine dans ce corps ? En avisant son regard calculateur, j'en fus certaine. Cependant, une magie sombre s'était emparée de son esprit, l'altérant dangereusement.

De près, cette créature était encore plus hideuse. Terrifiante aurait été un terme tout à fait acceptable. Une puanteur bestiale se mélangeait à celle de la magie, rendant l'air autour de nous putride et irrespirable.

Une bourrasque de vent se leva, poussant mon odeur dans sa direction. Je respirai au passage une goulée de cet air frais, et me jetai en avant.

Feignant la fuite, je m'éloignai à petites foulées, espérant éloigner notre affrontement du porche de l'Alpha. Un hurlement mi-homme mi-bête accueilli ma démarche, et je l'entendis se mettre en mouvement. Le sol gronda sous ses énormes pattes. Les fenêtres environnantes tremblèrent devant ce mini séisme. Fort heureusement, personne n'eut l'idée chevaleresque de venir m'aider.

Mes oreilles perçurent le moment exact où la créature pris appui sur le sol avant de s'élancer dans les airs. Une seconde de silence qui me permis de me préparer à la confrontation. Quelqu'un retint sa respiration au loin.

Je me stoppai, refermant les doigts autour de la crosse du Beretta, et fis volte-face. Alors que ce monstre me bondissait dessus, je pointai le canon de l'arme droit vers sa cage thoracique, là où les côtes saillaient.

J'appuyai trois fois sur la détente.

La bête se contorsionna en plein vol, geignant lorsque les balles le perforèrent. Je ne pensais pas qu'une créature de son envergure puisse produire un son de manière si aiguë, presque à la manière d'un chien qui se fait écraser la queue par inadvertance.

Me jetant sur le côté, j'évitai le poids de son corps emporté par l'élan. Elle s'écrasa dans la neige en grognant. Elle n'était pas encore tout à fait morte. Et heureusement. Les balles ne pouvaient tuer un métamorphe que si celles-ci déversaient de l'argent liquide à l'intérieur de son organisme. Or, j'avais utilisé des munitions tout à fait classiques. De quoi éliminer du menu gibier, pas un loup mutant de deux mètres boosté par un bon shot de magie.

J'étais certaine que c'était ce genre de bête qui avait tué Nathalie, qui s'était emparé du corps du regretté Dave et qui avait attaqué sa femme avant ça.

Si un malheureux se trouvait sous tous ces poils, prisonnier d'une magie noire et collante, je voulais pouvoir l'aider à se sortir de là.

Le corps de Dave avait été retrouvé dans la forêt sous sa forme humaine : cela voulait signifier que le processus pouvait tout aussi bien se faire dans l'autre sens. Il ne restait plus qu'à trouver le moyen d'y parvenir sans le tuer.

Si je ne tentais pas quelque chose, la personne à l'intérieur de ce parasite avait toutes les chances d'y passer.

Là-dessous se cachait malgré-lui un membre de la meute de Dorian, et j'avais fait la promesse de leur venir en aide. Et si cela devait aussi passer par la case « extirper un mec du corps d'un monstre, sans laisser de dommage collatéral »... eh bien, j'allais m'y coller.

Mais à mon retour à Chicago, j'allais avoir une sérieuse discussion avec Jasper. Motif de consultation : rajouter un zéro à mon salaire pas assez exubérant à mon goût.

Après un coup d'œil à la créature qui se tordait toujours au sol, je pinçai les lèvres en grimaçant. Restait à savoir comment procéder...

Je jurai à voix basse. Bordel, je n'en avais aucune idée.