Chapitre 16 (3/3)

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Sa mâchoire se décrocha, puis il bredouilla pendant quelques secondes avant de parvenir à aligner deux mots cohérents.

— Mais rien du tout !

— C'est comme ça que vous faites passer la coke ? Tranquille en douce sous les jaquettes d'Assassin's Creed ?

Si j'insistais encore, Kit allait défaillir. Ou faire tomber ses yeux, tellement ses paupières étaient écarquillées.

— Mais non ! Par les lunes ! On ne fait rien de mal à part dépasser le quota d'heures de jeux autorisé, posé avec les potes !

Sans pouvoir m'en empêcher, je ricanai doucement. En sentant sa peur se mêler à l'odeur acidulée de l'outrance, je me sentis obligée de le rassurer. Kit ne mentait pas. Le sous-sol de la bibliothèque était réellement le temple des gamins geeks.

— Je te crois, t'inquiète pas.

Après les quelques minutes passées sans penser à respirer, le souffle qu'il relâcha soudainement me fit sourire.

— Ça va, gamin ?

— Nickel, pourquoi ?

Par égard pour la gêne intense qu'il ressentait, je détournai le visage pour lui dissimuler mes lèvres étirées.

— Non, pour rien.

Après un instant de flottement, je lui dis :

— Il sent bon ton shampoing.

— Merci, dit-il en reniflant son poignet.

Il me le tendit et je l'imitai. C'était bien l'odeur qui m'avait frappé quand j'étais entrée dans la boutique du chaman.

— C'est quoi ? m'enquis-je en me redressant.

— Brise Marine.

— Et c'est en quel honneur ?

Le regard en coin qu'il me lança était suspicieux. Je haussai les sourcils pour lui inspirer confiance. Allait-il me dire la vérité ?

— Estel, marmonna-t-il en rougissant.

Ce gamin était adorable.

— Elle est jolie ?

— Très.

Ce fut à son tour d'attendre un peu avant de me demander :

— Dalaena ?

— Yep, bonhomme ?

— Tu vas tout raconter à l'Alpha ?

Le terme qu'il employa me fit tiquer. Je fronçai les sourcils, ralentis le pas involontairement, et pivotai la tête vers lui.

— À ton père, tu veux dire ?

Kit secoua la tête en claquant la langue contre son palais. Il avait parfois les mêmes expressions que Dorian. Il inspira en carrant les épaules, comme prêt à affronter quelque chose de gigantesque.

— Quand il est question du bien de la meute, il est mon Alpha avant d'être mon père. Est-ce que tu vas tout lui raconter ? Pour le salon de Patrick et pour le sous-sol de la bibliothèque.

J'avais déjà réfléchi à la question bien avant qu'il ne me la pose. Ses gamins ne faisaient rien de mal. Rendre visite à Patrick sous leur forme animale pour une petite coupe et un brushing était exactement comme aller chez le coiffeur pour leur humain. Rien de bien méchant. Aller jouer à Pac-Man ou à Tetris sous les pieds de Dolly n'était pas plus répréhensible.

— Non, Kit. Vous ne faites rien de mal.

— Merci, Dalaena. Dalaena, reprit-il en souriant, agent spécial de la Guilde.

Mollement, je lui donnai un coup d'épaule pour la forme.

— Tu as oublié de mentionner que j'appartiens à la branche de Chicago, et que j'ai été envoyée à la demande de votre Alpha.

Il pouffa comme l'ado qu'il était. Et il grimpa trois par trois les marches qui menaient à la maison. Je les montai à mon tour – mais comme une personne civilisée.

— J'y penserai pour la prochaine fois, promit-il en me lançant un clin d'œil.

Hésitant avant de lui dire le fond de ma pensée, je le suivis à l'intérieur. Nous étions en train de défaire les lacets de nos bottes humides quand je me lançai, la tête penchée en avant :

— Essaie d'en parler à ton père, d'accord ? (Je secouai la tête, maudissant ma gaucherie.) Pas à l'Alpha, pas au chef de meute ni à l'homme en colère. Mais juste à Dorian, celui qui a changé tes couches, nettoyé ta gerbe pendant des années, et qui nettoie tes calbutes encore aujourd'hui, OK ?

Sans attendre de réponse de sa part, je me redressai et filai en direction du salon. J'entendis avec netteté le « j'essayerai » qu'il chuchota.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant