Chapitre 6 (1/2)

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Ça alors.

Je restai de marbre devant ce mensonge éhonté. Comment osait-il proférer de telles choses ? Mon loup l'a choisie. Les mots que Dorian avait prononcés tournaient en boucle dans mon crâne, se fracassant les uns contre les autres.

— N'importe quoi.

J'aurais pu dire la même chose. C'était un bon résumé de la situation.

Intérieurement, j'étais dévastée. Mais ma carapace ne laissa rien filtrer de mon trouble. Au contraire, j'adressai à la femme un sourire contrit. Désolée, ce lien s'est créé tout seul. Oups.

La rancœur déformait son visage, ravissant il y a peu encore. Comme si elle ne voulait pas y croire, elle secouait ses cheveux de gauche à droite. Quand Dorian posa la main sur mon épaule, je me raclai la gorge en m'emparant de ma tasse. Dieu merci, il y avait encore trois gouttes de café à l'intérieur. Faites que cette situation cesse !

Si j'avais pu me cacher à l'intérieur, toute entière pour disparaître, je l'aurais volontiers fait ! J'aurais même pu payer dix dollars – ou quinze maximum – pour accélérer les choses.

— Elle ?

Son ton était insultant. Comme si elle avait marché dans une merde de loup déposée sur son paillasson, qu'elle en avait étalé partout dans sa barraque, et sur son tapis contemporain Joseph Lebon de surcroît. L'image me tira un sourire, que Lesly remarqua. Double oups.

Elle s'étouffa d'indignation.

Offusquée, les yeux écarquillés, ses mains s'agitaient devant sa poitrine comme pour chasser les mouches. Et vu la température extérieure, il n'y avait aucune mouche.

— Mais regarde-la !

J'avalai une goutte de café en basculant la tête en arrière. Paupières closes, je savourai l'immonde reste de breuvage froid.

— Parle de Dalaena avec respect, je te prie, répliqua Dorian d'une voix tranchante comme l'acier.

Cette fois, avec Lesly, nous nous étouffâmes de concert. Je reposai la tassa contre la table avec brutalité. Les yeux braqués sur l'assiette de gâteaux, j'écrasai mon pied sur celui de Dorian. Quel imbécile.

Lesly recula d'un pas, comme physiquement touchée.

— C'est une blague, j'espère ! Où est la caméra ? Cette fille...

Elle me pointa de haut en bas d'un doigt offensant, puis se mordit la langue. Je sentis l'Alpha se tendre à mes côtés.

— Non, je refuse de le croire. Je reviendrai te voir lorsque tu auras retrouvé tes esprits, s'écria-t-elle en tournant les talons, ses pas résonnant sèchement contre le sol.

Mutiques, nous la suivîmes des yeux sans un mot.

Lorsqu'elle fut assez loin, Dorian se leva, emportant sa chaleur, et reprit sa place initiale en face de moi. Éberluée, je clignais des yeux sans rien dire.

— Je te remercie, dit-il simplement en hochant la tête.

Puis, se tournant à demi, il héla Tina – dont j'avais oublié la présence :

— Est-ce qu'on peut avoir deux cafés, s'il te plaît ?

La jeune femme nous observait, les yeux comme deux ronds de flan. Elle retrouva vie quand Dorian se racla la gorge.

— Oui, sursauta-t-elle. Oui, bien-sûr. Tout de suite.

Lorsque je croisai le regard de l'Alpha, je bouillonnai de rage. Il était un véritable connard. Qui se servait des autres de cette manière ? Il n'avait même pas l'air gêné ! Non mais !

J'étais en train d'halluciner. L'odeur de brûlé qui commençait à saturer l'air aurait pu provenir de mes oreilles.

Sous la table, je lui assenais un coup de pied dans le genou. Il sursauta en grimaçant.

— Mais qu'est-ce qu'il te prend ?

Je m'extirpai de la banquette en serrant les dents.

— Tu es un enfoiré de première, Dorian. Alpha ou pas Alpha, tu vas regretter ce... ce truc !

Je quittai le café en martelant le sol. Avant de sortir, je me tournai vers Tina.

— Merci beaucoup pour les vêtements, tu peux tout mettre sur sa note, sifflai-je en désignant l'idiot sur sa chaise. Et tu peux ne préparer qu'un seul café.

Je retins la porte au moment où elle allait se fermer. Glissant à demi le visage dans l'entrebâillement, je lui indiquai :

— Je pense que tes madeleines sont en train de cramer.

Une seconde plus tard, lorsque la porte claqua derrière moi, j'entendis Tina crier :

— Oh merde, nan ! Dorian, tu fais chier !

Bien dit ! Cette fille me plaisait.

En remontant le long de la vitrine, je croisai le regard de l'Alpha. Il n'avait pas bougé d'un poil. Ses yeux étaient aussi argentés que pouvaient l'être ceux de son loup.

Il avait l'air de vouloir me bouffer d'une minute à l'autre, quitte à passer au-travers de la vitrine.

Je plissai les paupières devant ce regard, me stoppant net. Il ne fallait pas me chercher.

Je me rapprochai de la vitre et soufflai dessus afin de créer un nuage de buée bien opaque.

Tout en plantant mes yeux dans les siens, je dessinai un majeur grossier sur la vitre. Puis je lui adressai un sourire et tournai les talons.

Le raffut qui s'ensuivit ressemblait beaucoup au bruit que fait un plateau chargé lorsqu'il tombe à terre. Tina aurait de quoi agrémenter ses prochaines conversations au sein de la meute.

Sortir les griffes T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant