Je dormis d'un sommeil profond et paisible, réparateur au possible – ce qui n'arrivait jamais lors d'une mission. J'ouvris les yeux alors que le soleil était encore caché derrière les montagnes. La semi-pénombre de la pièce étirait les ombres des meubles qui m'entouraient et le feu dans l'âtre de la cheminée s'était éteint depuis peu. Il ne restait plus qu'un simulacre de braises.
Au cours de la nuit, des yeux argentés étaient venus me hanter. J'étais incapable de dire si je les avais inventés ou non.
Du pied, je repoussai la couverture qui tomba sur le tapis. M'asseyant sur le canapé, je frottai mes paupières en baillant.
Mon esprit, poussée par les élans de ma louve, était perturbé.
Le claquement de la porte d'entrée me fit tourner la tête vers Dorian, interrompant mes pensées. Habillé d'une grosse veste et d'une écharpe, des flocons de neige étaient en train de fondre dans ses cheveux. Il portait un panier rempli de bûches.
— Je ne voulais pas te réveiller, grimaça-t-il en croisant mon regard.
— C'est rien.
Le plus étonnant était que je ne l'avais même pas entendu sortir.
— Café ? me demanda-t-il en se dirigeant vers l'îlot de la cuisine.
— Thé ? contrai-je en baillant.
Tout en déposant le panier au sol, il m'adressa une mine affligée. Me redressant pour m'asseoir sur le canapé, je m'étirai en gémissant. Comme ma louve, j'adorais ça.
— Déjà contrariante ? De si grand matin ?
Je souris en drapant mes épaules du plaid.
— Eh oui, répondis-je d'un ton dramatique en me levant.
Sans quitter l'Alpha des yeux, j'allais me hisser sur un tabouret haut à ses côtés. Il évoluait dans sa cuisine comme un maître de ballet. Je l'observai en posant ma tête dans mes paumes, les coudes posés sur l'îlot central. Il stoppa sa danse en ouvrant un placard mural. Il fouilla dedans un long moment, puis m'informa en haussant la voix :
— Darjeeling, matcha, détox ou fruits rouges ?
— Hein ? m'enquis-je en clignant des paupières.
Il m'adressa un regard en penchant en arrière le buste.
— Ton thé. Darjeeling, matcha, détox ou fruits rouges ? Tu moulines le matin.
En entendant l'agacement dans sa voix, un sourire étira irrémédiablement mes lèvres.
— Détox, s'il te plait.
Il entendit forcément la moquerie de mon timbre, et posa la boîte sans délicatesse devant moi.
— Merci.
En avisant la photo d'une femme imprimée sur le carton, ventant les délices d'un ventre plat, je lui adressai un regard en coin.
— Voilà donc le secret de ton bide sculptural ?
— C'était à ma femme, lâcha-t-il avant de me tourner le dos pour pianoter sur les touches de la cafetière.
Je pinçai les lèvres en crispant les doigts sur le sachet de thé.
— Désolée, laissai-je échapper.
— Pas besoin, répondit-il en se tournant vers moi, me tendant une tasse d'eau bouillante. Voilà pour ton jus de chaussette.
— Merci.
Je posai avec délice les paumes sur les parois brûlantes. L'odeur qui se dégageait du thé en train d'infuser était un régal.
— Je suis désolée que tu l'aies perdue.
— Je n'ai perdu personne, rectifia-t-il un peu sèchement. Elle s'est barrée au Texas, c'est tout.
Il s'installa en face de moi et j'attrapai une pomme qui trônait dans une coupe à fruits. Il m'imita et je remarquai des traces de peintures sur ses doigts, qui n'étaient pas là hier soir. Avec certitude, ses mains n'étaient maculées que de son propre sang lorsque nous nous étions quittés.
— Tu peins ? m'enquis-je en croquant dans mon fruit.
Il suivit mon regard sur ses doigts avant de dire à contre-cœur :
— Un peu.
— Tu me montres ?
La pointe de sa langue caressa une perle de jus sur sa lèvre avant qu'il ne me réponde :
— Sûrement pas.
— Pourquoi ? demandai-je en soufflant sur ma tasse avant de boire une gorgée de thé. Tu ne fais que des nus ? Je peux poser pour toi si tu veux. Je pourrais peut-être mettre un gilet, blaguai-je en repensant à sa remarque d'hier soir concernant mes tétons.
Le haut des pommettes de Dorian vira au rouge, et je ricanai.
— Il en est hors de question.
Nous prîmes le petit-déjeuner en nous chamaillant, puis je fis la vaisselle avant de monter à l'étage pour m'habiller. Pour m'habiller avec des trucs que j'avais choisi, moi.
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Sortir les griffes T1
ParanormalDorian Morff est le plus horripilant de tous les Alphas de cette foutue planète. C'est le premier constat qu'a fait Dalaena après leur désastreuse rencontre. Excellent membre de la Guilde, c'est tout naturellement - et contre son gré - qu'elle est e...