Pas démontée par ce que Dorian affirmait, je retroussai le nez en me penchant en avant.
— Je ne me lave pas à l'eau, lui fis-je remarquer en plissant les yeux. S'il fallait utiliser le distributeur de savon du lavabo, fallait le dire.
Aussi rapide que l'éclair, sa main se leva.
J'interceptai son poignet alors que sa paume se refermait sur ma nuque.
Les yeux rivés au siens, je les laissai virer à l'argenté, mes ongles se plantant dans sa peau brûlante.
— Lâche, croassai-je en sentant ses doigts se refermer en un poing sur les cheveux plus courts de ma nuque.
À mesure qu'il tirait vers le bas pour mettre ma gorge en évidence, je laissai mes griffes s'enfoncer dans les veines présentes sous sa peau.
Lorsqu'il posa son nez sur ma clavicule, je me figeai.
Littéralement.
Ce fut comme si mes organes se retournèrent sur eux-mêmes, perdant totalement pied.
Mon cœur battait trop rapidement, je respirai trop vite. J'étais pourtant habituée à vivre des situations bien plus terribles que celle-ci, et mon corps ne réagissait jamais ainsi. Dorian entendait-il les battements effrénés qui tapaient contre mes côtes ?
En le sentant humer ma peau, je crus que j'allais m'évanouir. Puis le grondement satisfait qui résonna me fit ouvrir les yeux. Bah, merde ! Ils s'étaient fermés tout seuls.
La pointe de son nez remontait avec lenteur la colonne de ma gorge, et j'étais incapable de faire le moindre geste. Quelque chose d'humide coulait le long de mon avant-bras, mais dans ma position, je ne pouvais voir que les poutres du plafond.
— Lâche-moi ou je te tue, soufflai-je. Dorian.
Bordel, ma voix manquait cruellement d'entrain. Autant que si je venais de courir un marathon et que je n'étais arrivée que deuxième. Entre ses mains, ma louve était aussi molle que du chewing-gum resté au soleil sur un trottoir de Chicago.
Après quelques secondes, Dorian stoppa pourtant son chemin sous mon oreille, et s'éloigna en grondant. L'absence de ses doigts me brûla quand il laissa retomber son bras. Plus tard, je m'appliquerai à m'infliger des grandes claques mentales pour ce moment d'égarement.
Son regard était étincelant, parfaite représentation de la lune. Et exprimait un désir que je n'avais vu que très peu.
Libérée de son entrave, je déglutis avec difficulté. Le bas de mon corps était affalé contre le dossier du canapé, et s'il n'avait pas été là, je crois que mes jambes m'auraient lâchées.
Dorian, de l'autre côté du divan, avait posé un genou sur l'assise, et paraissait tout aussi déstabilisé. Il battit plusieurs fois des cils en détournant les yeux, jusqu'à ce que ses iris retrouvent leur couleur claire habituelle.
Il se racla la gorge en reculant d'un pas pour se remettre debout.
— C'est bon. (Sa voix éraillée me fit inspirer.) Mon loup t'accepte sur son territoire.
Je reculai à mon tour d'un pas, mais gardai les mains posées sur le canapé. J'avais encore besoin d'un appui pour ne pas s'écrouler. Tout mon corps tremblait. Les bras tendus, je baissai la tête. J'avais besoin de reprendre ma respiration. Ce fut à ce moment-là que je remarquai les coulées sanguinolentes qui zébraient mon avant-bras.
— Oh merde ! m'exclamai-je en redressant aussitôt la tête. Tu saignes !
Je contournai le meuble qui nous séparait et récupérai le plaid de Kit qui trônait toujours au sol. Alors que je m'approchai de Dorian pour le lui donner, il tendit son bras – le blessé – vers moi pour m'empêcher d'avancer plus. Des gouttelettes écarlates s'écrasèrent sur le tapis.
— Non. Ne t'approche pas.
Figée en plein mouvement, je haussai un sourcil. Son poignet arborait cinq profondes plaies, là où mes doigts s'étaient enfoncés. Du sang avait coulé un peu partout autour, et des gouttes tachaient aussi le revêtement des coussins. Dorian avait l'air de s'en foutre royalement – sans doute parce que le cuir était facile à nettoyer.
— Ma proximité n'avait pas l'air de te déranger, y'a deux minutes, tiquai-je devant ce soudain revirement de situation.
Sous mes yeux, les trous se refermèrent presque instantanément. Intérieurement, je pris note de ce détail. Dorian possédait visiblement une puissance qu'il parvenait à cacher avec brio.
— Ça n'a aucun rapport.
J'allais répliquer quelque chose, mais la soudaine baisse de luminosité dans la pièce nous fit tourner la tête vers la télé. « Êtes-vous toujours en train de regarder Netflix ? »
J'échangeai un regard avec Dorian. Nous nous raclâmes la gorge de concert. La tension qui avait grésillé dans l'air à en faire rôtir un ste ak était retombée comme un soufflé. Et c'est fort heureux.
Lui aussi avait l'air d'avoir oublié que la série tournait toujours. Il se mit à chercher la télécommande, et je l'imitai en silence, regardant entre les coussins du canapé. En le sentant immobile sur le côté, je tournai la tête vers lui.
— Quoi encore ? m'agaçai-je.
— Tu veux un gilet ?
— Pas la peine, refusai-je en sentant la chaleur de la cheminée sur ma peau. Il fait bon.
— C'est pas pour ça.
Le ton qu'il employait était étrange, et je suivis son regard. Les minces bretelles de mon pyjama laissaient beaucoup de peau à découvert, et mes tétons pointaient à-travers le tissu de manière fort visible.
J'ouvris la bouche sans savoir quoi répliquer. Puis j'éclatai de rire en posant les mains sur mes hanches.
— Il en est hors de question ! Plus sérieusement, lui dis-je avec un doigt tendu, si tu fouilles encore dans mes fringues, je te jure que je te tue. Vraiment.
Le léger sourire qu'il ne parvint pas à retenir, tel une douce réminiscence, me hérissa le poil. Je secouai les mains devant moi pour le chasser de la pièce.
— Maintenant, hors de ma chambre. En plus tu as saigné sur mon lit.
⸙
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Sortir les griffes T1
ParanormalDorian Morff est le plus horripilant de tous les Alphas de cette foutue planète. C'est le premier constat qu'a fait Dalaena après leur désastreuse rencontre. Excellent membre de la Guilde, c'est tout naturellement - et contre son gré - qu'elle est e...
