By-Cœurs 4

Chapitre 38

Anthony

  J'ai passé du temps avec Ezéchiel à l'orphelinat ce matin. Il accepte plus facilement de dîner avec les autres enfants, le reste du temps, il reste dans sa chambre. Il était content que je sois avec lui pour jouer et la prochaine fois que je viens, mon père a accepté que je l'emmène faire un tour en moto.

  

    Les filles ont fini de peindre sur Simon, nous sommes descendus en terrasse, Aaron et Max viennent de finir de bosser au garage. Max se confie un peu plus à moi par message et Aaron l'occupe avec des bricoles pour qu'il sorte tous les jours de sa chambre. Heureusement que les prospects aident à l'association, mon frère aurait perdu son job sinon.
   
    Pauline est heureuse, Dimitri vient de lui couper des fruits frais en morceaux. Pablo attend un smoothie à la fraise. Il ose demander ce qui lui fait envie depuis quelques jours seulement. Il ne parle qu'à Tom ou moi, en tout cas, il est de moins en moins crispé.
   
    La voiture qui pénètre la propriété m'alerte. C'est celle de John. S'il vient un samedi après-midi ici, ça ne sent pas bon pour moi, je ferai mieux de partir aussi loin que possible.
   
    — C'est qui ? s'interroge Tom.

    — Mon coach.

    — Qu'est-ce qu'il fait ici ?

    — Il vient annoncer ma mort...

    Je souffle un coup et me lève pour le rejoindre. Lorsqu'il sort du véhicule, au son du claquement de sa portière, je sais que je suis vraiment dans la merde.
   
    — Tu te fous de moi ?! Tes résultats sont catastrophiques ! Pas une note à ton niveau ! Pas une seule note correcte Anthony ! Aucun recruteur ! Qu'est-ce que t'as foutu ?
   
    Je déglutis sans rien dire.
   
    — Tu les avais tous à tes pieds ! Qu'est-ce que t'as foutu ? MERDE ANTHONY !
   
    — J'ai oublié...

    — T'as oublié ? Tu as oublié ! Ils viennent une fois ! Une fois par an je vous demande d'être à la hauteur ! T'es capitaine et tu fais des résultats aussi merdiques ?
   
    Il me tend mes résultats, je n'attends pas plus pour lire. Je me suis foiré absolument partout... pas une seule note qui me ressemble...
   
    — T'avais bu ? Fumé ? Clope ? Weed ? Drogue dure ?
   
    — Non ! Rien ! J'étais épuisé.

    — Trente-six secondes ! TU AS MIS TRENTE-SIX SECONDES DE PLUS BORDEL !
   
    Je cherche ma ligne de temps, trente-six secondes... presque trente-sept, je n'ai jamais été aussi mauvais...
   
    — Tu me bats les records nationaux depuis ta première année, tous les ans tu te surpasses ! Et au moment le plus important, tu me fais trente-six secondes de plus !
   
    Je n'ai pas les mots, rien ne sort de ma bouche. J'ai fait de la merde la seule fois où j'aurais dû me surpasser le plus.
   
    — T'as le pire résultat de toute l'équipe ! T'as pris deux kilos, tu mets trente secondes de plus, tes résultats n'ont jamais été aussi mauvais, tu t'endors en cours, tu oublies les recruteurs, c'est quoi la suite ? T'oublies des entraînements ? Ah non, au temps pour moi, c'est déjà fait ! Deux fois ! Deux entraînements ratés !
   
    — Un seul en début d'année, le corrigé-je.

    — Et celui de jeudi ? J'ai interdit à l'équiper de t'avertir pour voir si tu t'en rendrais compte. La réponse est non. Tu n'es plus capitaine !
   
    Il n'a pas dit ça ! Il n'a pas le droit ! Il ne peut pas me retirer ça ! C'est mon rôle depuis trop longtemps dans cette équipe. Tout se passe bien depuis que je le suis, les joueurs sont soudés, s'entraident même en dehors du sport. On a une équipe parfaite. Ils sont les premiers à s'assurer que je suis le nouveau capitaine dès la rentrée. Certains ont prévenu le coach qu'à la fin de l'année scolaire, ils arrêteront le rugby parce que je ne serai plus là pour être le capitaine. Il n'a pas le droit de me retirer mon rôle.
   
    — Coach ! Vous ne pouvez pas ! Ne me retirez pas mon rôle !
   
    — Et pourquoi ? Pourquoi je ne pourrais pas ? Tu ne mérites plus ! Tu as mérité cette place plusieurs années mais cette année, je te l'ai accordée beaucoup trop facilement, par habitude.
   
    J'ai l'impression que mon monde s'écroule, plus rien ne va dans ma vie et perdre cette place qui m'est si cher ne pouvait qu'être la cerise sur le gâteau.
   
    — Coach ! C'est la première fois que je merde. L'équipe est hyper solidaire, tout fonctionne, j'ai rétabli tous les problèmes qu'elle rencontrait.
   
    — Tu as trois semaines ! Dans trois semaines, tu passes tous les tests d'endurance ! Tu n'as le droit qu'à une seconde de moins que ton plus bas record. Si c'est bon, tu gardes ton post. Tu suis un régime strict ! Pas une seule goutte d'alcool jusqu'à la fin de l'année ! Pas même à ton anniversaire ! Pas un seul retard ! Pas une seule absence ! Tu cours tous les matins de cinq à sept ! Tu reprends les entrainements en temps libre ! Et tu me bosses tes maths ! Tu passes les rattrapages pour m'effacer tes notes de merde de ta moyenne ! Et tu reprends les œufs crus, tu informeras l'équipe qu'à cause de toi, ils reprennent tous !
   
    J'esquisse un sourire amer, ils vont me détester. Le coach adore nous torturer aux œufs crus, il ne manque pas une occasion de nous en faire bouffer, persuadé que nous sommes plus endurant grâce à eux.
   
    Son sourire sadique se manifeste lorsqu'il me tend mon nouveau régime alimentaire. Du hareng, de l'huile de foie de morue, des flocons d'avoine, du riz, des pâtes, des fruits secs, de la viande, des légumes à volontés, des fruits, des barres extra protéinées et, bien évidemment, des œufs crus...
   
    Mon père s'approche avec Pablo dans les bras. Il me réclame un câlin. Hier en fin d'après-midi, quand je suis arrivé, il est venu me voir, presque en courant, dès que mon moteur était coupé et dans mes bras, il m'a juste réclamé la guitare.
   
    Le coach explique donc à mon père la raison de sa présence et je crois que c'est la première fois de ma vie que j'appréhende, ma mère me faisait la leçon si j'avais une mauvaise note, ça s'arrêtait là. Mon beau-père n'a jamais eu le droit d'intervenir dans mes résultats scolaires.

    Aujourd'hui, c'est donc la première fois que j'ai un repère masculin qui se mêle de l'école et je ne sais pas encore à quel point il va s'impliquer.
   
    — Je sais même pas si je dois t'engueuler ou pas ? Aaron et Tom ont arrêté les cours juste après le lycée, s'interroge mon père.
   
    Sa réaction me prend de court et j'éclate de rire, je ne m'y attendais absolument pas. Je les laisse discuter et retourne à la table de la terrasse chercher mon portable pour avertir mes coéquipiers pour les œufs crus...
   
    — Il a fait deux heures de route juste pour venir t'engueuler ? Il aurait pu faire ça par téléphone ! s'étonne Simon.
   
    — Je suis le capitaine depuis cinq ans, il a failli me destituer, il ne le ferait pas avec un simple appel. Tu peux boire ma bière, c'est fini pour moi jusqu'au dernier match.
   
    Les retours ne se font pas attendre, tous mes coéquipiers m'incendient par message, lorsque je leur envoie la photo de mon nouveau régime alimentaire, plus un seul ne répond. Aucun ne voudrait être à ma place.
   
    — Tu n'aurais pas envie d'aller courir ? m'interpelle mon coach.
   
    — Vous m'avez dit le matin.

    — Ça ne te fera pas de mal d'enchaîner deux cessions.
   
    Je cède parce qu'il va me pousser à bout si je n'y vais pas aussitôt.
   
    — Je pense qu'une quinzaine de miles ce soir ça peut être bien, réplique-t-il.
   
    Simon qui a proposé de courir avec moi m'informe, moqueur, qu'il retire sa proposition. Je rentre et monte enfiler mon short avant de partir en direction de la forêt.
   
    Je démarre en petite foulée et un flashback de Logan et moi pendant les vacances de Noël lorsque nous courions dans la forêt le matin se plante devant moi.

    Un nœud dans ma gorge devient douloureux alors je lance ma playlist pour oublier et la chanson Set Fire to the Rain d'Adele commence.

    Cette chanson parle de la peur et de la douleur de perdre une relation jusqu'au jour où le partenaire nous sauve grâce à un baiser. Je suis en plein dedans, comme si ces paroles avaient été écrites pour moi, pour le chamboulement dans ma tête de choisir entre Logan et ma famille. Je passe à la suivante, celle-ci ne m'aide pas du tout à penser à autre chose.
   
    Alors quand Someone to Stay de Vancouver Sleep Clinic débute, mes larmes coulent toutes seules. Elle évoque le fait que nous avons tous besoin d'une personne sur qui compter, que ça soit pendant nos luttes, un cœur brisé ou simplement une journée difficile. Cette personne sera toujours Logan...
   
    J'ai conscience que je dois en parler à mon père, il y a une chance, même infime, que tout se passe bien. Je ne sais pas pourquoi j'ai si peur de lui dire... c'est de plus en difficile de supporter cette situation...

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Difficile période pour Antho 😅

Le coach a tout de même raison, il ne s'en sort plus, lui retirer cette responsabilité est peut-être préférable, qu'en pensez-vous ? 🤔

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? 🤩

Bon mardi à vous ☀️

À jeudi pour le prochain chapitre 😁

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