1 (Réécrit)

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6 ans plus tard.

Un coup de massue s'abat soudainement sur mon crâne.

Ma tête commence à tourner, au point que je n'arrive plus à me tenir debout correctement.

L'alcool que j'ai jusqu'alors ingurgité me monte directement au cerveau, sans détours, et à une vitesse fulgurante. Tant, que j'ai du mal à rester debout dans cette pièce.
Mes tympans font un bourdonnement incessant comme un bruit de fond, ce qui me rend facilement irritable. Et pour ne rien améliorer au tableau, tout le monde me fait chier. Pour changer de d'habitude. Je ne sais pas ce qui est le plus flippant ici, le fait que toutes les filles soient vêtues comme des garces, ou que tous les mecs deviennent aussi fous devant tant de peau.

Qu'est-ce que je m'imaginais en venant ici ? Rien. Je ne voulais rien de tout ça.

Pourquoi ? Parce que, oui, il existe des personnes en ce monde qui ne rêvent pas forcément de partir vivre aux Etats-Unis. Certes rares, ces spécimens sont pourtant bien réels, puisque j'en suis la preuve vivante. Je rêvais d'exotisme et d'accents italiens ou hispaniques. Et au lieu de ça, je me tape une ville où la pluie est un quotidien, et où les gens ne sont pas plus aimables que des mouettes affamées. Évidemment, Denver est une ville magnifique, et en apprivoisant ses quartiers je me suis mise à l'aimer, un peu. Du moins une grand partie de l'année, là où la neige recouvre le sol et où la nuit, les tempêtes gèlent les routes, et envahissent la ville de flocons blancs.

Mais j'imagine que dans n'importe quelle ville où le temps le permet, et où la neige tombe, cela ressemble à ça. Cependant, impossible de prouver la véracité de mes dires, car je suis bloquée ici, entre une fac ennuyante et un père inexistant. Pourquoi ne suis-je pas née millionnaire ? Pourquoi a-t-il fallu que la majorité soit à 21 ans ici, et non pas 18 comme en France ?

Outre le permis passé à 16 ans, ce qui est une fantastique idée au passage, merde, je ne peux même pas boire d'alcool légalement ! Et Dieu sait combien j'aime sentir le liquide brûlant couler dans ma gorge et me réchauffer l'estomac, n'importe lequel tant qu'il est fort, et qu'il me rend solide.

Mais même si mon pays d'origine me manque beaucoup, parfois je me souviens qu'après tout, je réalise quand même le putain de rêve de la moitié des adolescents français non ?! Alors autant que j'en profite un peu !

Je suis d'avis à ce que l'on ne gâche pas une opportunité quelconque, aussi infime soit-elle. Et puis au moins ici, personne ne connaissait ni ne connaît mon histoire, tandis qu'au bahut français, les nouvelles ont fusé si vite que s'en était terrifiant, et je peux affirmer que les regards appuyés de pitié ou de moqueries me rendaient folle.

Bon sang, je recommence ! Pourquoi faut-il toujours qu'après un verre ou deux, mon esprit divague et analyse ma vie. Comme si j'en avais envie ! Je préférerais tout oublier, jusqu'à ma naissance. C'est agaçant de s'apercevoir que toutes tes décisions, tous tes choix se remettent en question d'un seul coup, et qu'ils te paraisse plus stupides les uns que les autres !

Je balaie la pièce du regard, mais les images m'apparaissent comme floues et embrumées.

Je me rends alors compte que je suis à présent livrée à moi-même au milieu de cette horde de sauvages.  À vouloir me la jouer Socrate, voilà ce qui arrive ! Foutu cerveau.

Rilee a disparu du canapé, et je suis plantée là à regarder le temps filer.

La cherchant en vain du regard une seconde fois, je me lève pour tenter de me frayer un chemin en poussant tous les foutus inconnus que je croise.

J'ai comme la désagréable impression que mon propre corps m'oppresse. Et je m'étouffe presque de chaleur dans cet endroit devenu si petit au fur et à mesure de la soirée.

CharlieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant