80

95 8 6
                                    

Je hais cette idée, je hais cette sensation d'abandon, je hais la perspective de voir mon père à nouveau heureux avec une autre femme parce que je ne suis qu'une égoïste.

**********************************************

Enzo est finalement resté dormir en douce, quittant faussement la maison pour y rentrer à nouveau par le balcon. Je tenais à jouer le jeu pour ne pas avoir de problèmes avec les autres filles, ni même en coller à Amanda.

Je ne le lui dirai pas, mais ça m'a fait du bien qu'il reste. Il a ce quelque chose de réconfortant, que nul autre ne possède. Et on s'est juste endormis l'un avec l'autre, ses doigts longeant doucement mes bras, entraînant toujours cette nuée de frissons derrière eux. Et je n'ai pensé à rien d'autre que ces caresses. A rien d'autre que ce souffle chaud contre mon cou, rythmé par sa lente et régulière respiration. Impossible de penser à autre chose que lui, en vérité. Il a hanté tous mes songes, et dieu que j'aimerai que ce soit ainsi toutes les nuits. Pas de cauchemars enflammés, ni de peur permanente. Uniquement son visage, son sourire, ses yeux si bleus imagés par mon esprit embrumé. Encore une nuit qui avait le mérite d'être vécue. Et je crois que si je m'y habitue, j'en serai dépendante, forcément.

Mais le réveil... est encore mieux.

J'ai un peu mal aux yeux, du fait d'avoir retenu, ou presque, mes larmes avec tant de force que mes nerfs optiques ont dû en prendre un coup. Néanmoins ç ne m'empêche pas de mater impunément le corps, à moitié recouvert du drap, d'Enzo. Il dort comme un vrai bébé, et il a l'air si paisible et détendu que ça le rend d'autant plus adorable.

Uniquement pour mon plaisir le plus intense, je place mon doigt sous son nez, puis je caresse sa joue doucement avec celui-ci, mais encore je dessine ses lèvres de la pulpe. En clair, je l'emmerde. Et ça me fait rire, non je pouffe de rire tout en essayant de rester discrète lorsque qu'il se met à faire des grimaces comme pour chasser une mouche indésirable.

Brusquement, ses doigts enserrent mon poignet et je reste surprise jusqu'à ce que je me mette à sourire comme une imbécile quand ses lèvres se posent délicatement sur le dos de ma main, les yeux toujours clos. Il se met à sourire lui aussi, et d'un geste tendre mais ferme à la fois, il tire sur mon poignet et je me retrouve projetée sur lui.

De cette façon simple mais attendrissante, nous passons une bonne heure cloués au lit, à se chamailler et s'enlacer sans vouloir sortir de ce cocon que nous avions créé.

Bien entendu, le bonheur est toujours plus éphémère que son contraire, et j'aperçois le nom de mon père sur l'écran de mon téléphone qui vibre incessamment.

J'hésite un court instant, tandis qu'Enzo me suggère de répondre en me faisant les gros yeux et un signe de tête. Je soupire avant d'attraper mon téléphone et d'appuyer plus fort que nécessaire sur la touche pour décrocher.

-Charlie ? Demande-t-il d'une petite voix. Je ne perçois rien de désagréable dans son ton ni un air de reproche, ce qui me rend suspicieuse.

-Oui ? Réponds-je simplement.

-J'aimerai qu'on se voie aujourd'hui, juste tous les deux. Tu viendrais si je te donne rendez-vous à midi ? On pourrait déjeuner ensemble...

Il n'a pas l'air en colère, ni même sec, juste...fatigué. Et c'est ce qui me perturbe le plus je crois. Evidemment, je n'ai absolument pas envie de le voir, mais je pense que je dois le faire. Je ne sais pourquoi, mais pour une fois, il n'y a aucun dilemme, aucune hésitation, je sais juste que je dois y aller, je dois le voir parce que c'est essentiel pour lui comme pour moi. Et ça le surprend davantage que moi-même quand j'accepte.

CharlieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant