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Chaque fois qu'il est avec moi, je retrouve cette douceur que nul autre ne voit.

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Enzo s'approche de son grand-père, se plantant face à lui. Les deux hommes se fixent, puis Enzo rompt le silence en enserrant son ascendant avec force. Les deux s'enlacent, puis se tapotent le dos, comme une démonstration de joie et d'affection virile.

-Ça me fais plaisir de te voir petit. S'exclame le plus âgé. 

Sa voix est rauque, sûrement alourdie par une forte consommation de tabac, mais c'est de famille de toute façon. Elle laisse néanmoins transparaître un accent chantant fortement audible. Je devine que laisser ses émotions transparaître n'est pas coutume chez eux, le grand-père a les yeux qui brille bien qu'il tente de s'en débarrasser en secouant constamment la tête. Et je remarque que c'est la même chose pour Enzo.

Je suis un peu gênée d'être au milieu de ces retrouvailles très touchantes, parce que je ne me sens pas vraiment à ma place. Je sens qu'ils ont beaucoup de choses à se raconter, surtout si Enzo n'était pas revenu depuis son voyage de l'autre côté du Pacifique.

-Moi aussi Papi. Répond alors Enzo, la voix légèrement couverte. Le vieil homme s'aperçoit enfin de ma présence, et son regard pèse sur moi, me déstabilisant un instant. Ses yeux sont d'un bleu vieilli, presque translucides, mais ajoutant encore au charisme du bonhomme. Je reprends contenance en m'approchant d'un pas, bien que toujours légèrement derrière Enzo, et en lui tendant la main.

-Bonsoir Monsieur, je m'appelle Charline.

Je ne sais même pas pourquoi j'ai dit ça aussi naturellement et je vois du coin de l'œil Enzo se tourner vers moi, mais je continue de fixer son aïeul en souriant, qui lui non plus ne me lâche pas du regard. Je crois simplement que me présenter sous mon véritable nom est de rigueur, Enzo tient à me faire rencontrer cet homme et je ne souhaite pas tricher cette fois, je veux faire les choses bien.

-Enchanté Mademoiselle. Hoche-t-il de la tête, avant d'ajouter avec gaieté : Entrez les enfants.

Enzo me tend la main de nouveau, et je l'accepte, laissant la chaleur de sa paume réchauffer la mienne avec satisfaction.

-Désolé d'être venus si tard Papi, on ne fait que passer ne t'en fais pas. S'exclame Enzo en avançant dans le salon du petit chalet. Bien que la décoration ne soit pas au goût du monde moderne, cela reste chaleureux, et le feu de cheminée qui crépite lentement me réchauffe enfin après m'être gelée à l'extérieur.

-Non, c'est parfait ! Asseyez-vous, j'apporte de quoi affronter ce froid hivernal ! Réplique le grand-père en fouillant dans un placard de la cuisine, qui est visible du salon. Une fois l'objet de sa recherche en main, il revient s'installer dans un vieux fauteuil face à nous.

Il nous tend un verre à chacun d'un liquide clair, presque translucide, et je questionne Enzo du regard.

-C'est de l'eau de vie. Ne le bois pas si tu n'aimes pas, c'est très fort. Rit-il en trinquant avec son grand-père. Je trempe les lèvres et constate qu'il ne s'est pas moqué de moi, j'ai les lèvres en feu et je sens le peu de liquide que j'ai bu me brûler l'œsophage. J'ai même senti cette eau glisser jusque mon estomac. Je toussote de surprise et le maître de maison en rit également.

-Ça pourrait revigorer un cheval cette eau-là ! Ricane-t-il. Alors ma petite, Charline c'est ça ?

Sa façon de m'appeler ma petite me fait presque marrer mais je hoche la tête pour confirmer et le laisser poursuivre sous l'œil curieux d'Enzo. A croire qu'il sait lui aussi ce que son ancêtre à prévu pour moi.

CharlieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant