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J'ai beau l'aimer et lui m'aimer, ça ne change pas nos natures, comme je ne lui demanderai jamais de changer la sienne ! 

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Je n'ai même pas envie de répondre, et je n'y arrive de toute façon pas, je suis trop bouleversée, vexée et blessée par ses reproches qu'aucun son ne veut sortir de ma gorge.

Il n'attend rien non plus, puisqu'il se retourne et me laisse seule dans la salle de bains. Lorsqu'il disparait, je m'habille en vitesse, les yeux piquants et la gorge douloureuse. Ma fierté me hurle de partir en courant sans rien lui dire de plus, même si ce n'est pas honnête. Pourquoi faut-il que ça se passe ainsi alors que tout est si simple ? Je sais, il faut que je lui dise ce que je pense, c'est bien ça non ? Il faut que je lui dise ce qu'il a envie d'entendre puisque c'est exactement la réalité. Non mais quelle idiote, c'est déjà ce que je me suis tuée à lui dire depuis dix minutes, alors comment lui faire entendre raison cette fois ?

Je le retrouve dans le salon, alors qu'il range son appartement. Ce qui m'étonne puisque non seulement c'est déjà rangé mais en plus il l'avait déjà fait plus tôt.

-Enzo ? Je l'appelle en voulant tester la température.

Il ne m'adresse pas un regard, et continue son activité. Si je voulais une ambiance plus tendue que celle-ci, ce serait impossible !

J'approche lentement, puis lui retient les mains alors qu'il s'acharne comme un forcené contre une petite tâche sur sa table basse.

-Enzo s'il te plaît. Regarde-moi. Je supplie, dépassée par son indifférence.

Il se redresse et me regarde, de toute sa hauteur qui me domine.

-Je n'ai pas envie, Charlie. Réplique-t-il.

Ses yeux me disent qu'il est vexé et blessé, et j'espère que les miens lui montre combien je suis désolée qu'il se sente ainsi. Je ne sais pas encore si je dois me lancer, ou s'il est préférable que je me taise pour ne pas envenimer les choses. J'ai la sensation que tout ce que je pourrai faire, tout ce que je dis, ne suffiront jamais. Que je ne suis jamais à la hauteur. Et peut-être que je ne le serais jamais. A vrai dire, je ne pensais pas que les relations amoureuses seraient si compliquées, ni si émotionnellement envahissantes. Je pensais à tort que tout était toujours beau et écœurant dans les couples amoureux, comme dans les films. Mais si la vie était un film, ça se saurait. Et c'est stupide d'avoir pu penser ça, mais je n'ai jamais eu de réelle preuve du contraire, dans ma famille, personne n'avait un jour divorcé. Quand ils se mariaient c'était pour la vie. Du moins, jusqu'à ce qu'on la perde. Merde, l'ironie ? Vraiment ?

Je me sens bête devant son regard pesant sur moi, il attend quelque chose qui n'arrive pas à sortir de moi. Il attend un mot, une preuve, un signe. J'ai tellement peur de me foirer que je n'ose plus rien faire. Je me retire dans mes retranchements sans même avoir essayer. Je prends mes distances avec ses yeux transparents, je mets une barrière entre nous, dans l'espoir de ne pas souffrir ensuite. Et si ce que je disais ne changeais rien ? A quoi ça servirait ? M'abattre encore plus, m'humilier davantage ? Suis-je prête à en prendre le risque ? L'amour est censé me donner ce courage alors pourquoi je n'arrive pas à le trouver dans mon cœur ? Je sens ma fierté m'envahir, comme toujours. Prendre le risque de souffrir, c'est prendre le risque de baisser la garde, d'anéantir sa fierté. Accepter de souffrir, c'est se rendre vulnérable. Et n'est-ce pas tout ce qu'il attend de moi ? N'être plus que moi, n'être plus qu'à nue face à lui ?

Je ne sais pas s'il y a de bons ou de mauvais choix, mais les deux options devant moi ne me conviennent pas, et le silence est la seule alternative que j'offre à cet instant.

CharlieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant