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Des chimères, que des chimères.

Le monde, l'équilibre, les rêves, tout s'effondre en ruines.

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C'est dans ma chambre que je trouve mon salut. La paix y règne en maître tout comme le silence dans cette pièce aseptisée de toute émotion. Car rien ne me réconforte en elle, c'est si triste et vide que c'en est encore plus déprimant.

Mais j'ai un mal de crâne atroce à présent, et la seule chose qui me fait envie, c'est dormir. Et c'est ce que je fais. Je dors pendant plus de trois heures avant de me réveiller complètement perdue, la sueur perlant sur mon front et les mauvais souvenirs refaisant surface. Sauf que je l'ai vu cette fois. J'ai vu son visage dans mes cauchemars, parmi les décombres noircies. Il était planté là, à me regarder sans bouger, avec cette lueur vide de sens dans ses yeux bleus si sombres. C'était terrifiant.

Je ne peux plus fermer l'œil maintenant, alors je fume et je lis toute la nuit. Passant de mon lit à mon balcon presque toutes les demi-heures, étant impossible de m'en passer.

Mais la nuit a eu raison de moi, et je ne reprends conscience que le lendemain tard dans la matinée. La journée est exactement la même que le présageait la soirée de la veille. Je n'ai pas eu envie de sortir, ni de me lever, simplement de me laver de tous les malheurs qui me pourchassaient depuis hier. Puis le surlendemain fût exactement pareil. Et le jour d'après également. Je n'ai pas trouvé l'envie ni le courage d'affronter l'extérieur et la bonne humeur des tous ces gens qui m'entourent.

Puis, la semaine est passée si vite que je pourrais la comparer à un simple battement de cil. Tout comme la suivante. C'est comme si les compteurs du temps restaient suspendu à une heure précise, ne désirant pas courir au-delà.

Mais il est arrivé ce moment-là, où j'eus soudainement envie de voir le soleil, le sentir sur la peau et respirer de l'air frais. Respirer simplement.

C'est donc un mercredi anodin qui se lève ce matin-là, en revanche, c'est comme si tout avait changé dans mon esprit ce mercredi. Comme si je découvrais que le cloisonnement n'était pas la solution. Ma vie était loin d'être en suspens comme je le pensais jusqu'alors, et je me sens bête d'avoir pu le croire. La douleur persiste, mais l'envie de la surpasser est trop forte. J'ai besoin de voir le ciel au-dessus de ma tête, parce qu'il est toujours là, bien en place, et que le temps que j'ai gâché à rester seule est perdu d'espérance futile.

Enzo me manque, en vérité. Je n'ose peut-être pas me l'avouer complètement, me forçant encore à croire que je suis bien mieux sans lui, parce que le déni est mon échappatoire, comme ce le fût six années plus tôt. Et puis, merde, tout est chamboulé et je vais devoir remettre de l'ordre dans ma vie, après cette réclusion volontaire.

A commencer par ranger l'aspect matériel de mon quotidien, soit ma chambre transformée en un véritable champ de bataille après des jours d'hibernage.

Ne serait-ce qu'ouvrir les battants de la fenêtre pour laisser le vent s'engouffrer dans la pièce est une vraie bouffée d'air frais. Ce qui occupe ma tête à cette heure, c'est surtout les jours à venir. Dans deux semaines, mon père se remarie. Quinze jours seulement. Et je n'ai plus de cavalier. Je serai seule par ma faute.

Je me mords la lèvre si fort que je crois qu'elle se met à saigner, je n'aurais pas dû penser à ça, il ne faut plus que j'y pense. Je ne suis pas comme ça, je ne suis pas romantique ni fleur bleue et je hais toutes ces filles qui se laissent abattre à cause de leur rupture. C'est pourquoi je me hais à l'heure actuelle, ironise mon cerveau.

Je chasse rapidement toute pensée qui me conduirait d'une manière ou d'une autre à penser à un beau brun tatoué aux yeux bleus. Mais le décrire apporte inévitablement des images divines dans ma tête. Les jours à venir vont être longs et durs à surmonter, et je ne suis qu'au début j'en ai peur...

CharlieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant