Nos vêtements jonchent le sol en quelques secondes à peine, tandis que notre fougue emporte nos deux corps sur le grand lit de la chambre.
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Lorsque nous sortons, épuisés mais euphoriques, de la chambre et rejoignons la fête, je suis soulagée que notre petite disparition n'est pas semblé susciter d'interrogations. Ni de n'avoir été recherchée par les mariés. C'est comme si deux gamins s'étaient embrassés dans la cour, à l'abri des regards des professeurs, et qu'ils revenaient tout heureux d'avoir bravé les interdits. Bien que nos interdits soient très différents.
Alors que sa main ne quitte pas la mienne, et que nos yeux traduisent l'amour pur au moindre regard que nous échangeons, il est temps de se mettre à table pour déguster le repas de cérémonie.
Les Macklaren ont mit les petits plats dans les grands, c'est évident. Enzo et moi, nous asseyons côte à côte, tandis que les assiettes remplies apparaissent devant nous, et j'ai une faim de loup. Lui aussi apparemment. Je l'observe alors qu'il discute avec son voisin avec une aisance qui me surprend encore, alors que j'essaie d'éviter la vieille dame qui ne cesse de vouloir me raconter sa jeunesse. Mes oreilles ne savent plus où donner de la tête, partagées entre l'envie d'écouter ce que peuvent bien dire Enzo et cet homme, et le discours de la dame à ma gauche qui semble bien décidée à me raconter les moindres détails de sa vie passée.
Ce n'est que lorsque quelques notes de musique retentissent dans l'air, en attirant l'attention sur la table des mariés, que je peux enfin me concentrer sur une chose à la fois. Je regarde mon père se lever soudainement, sa coupe de champagne à la main, et se racler la gorge fortement pour capter son auditoire.
-Merci à tous d'avoir répondu présent aujourd'hui, en cette journée fabuleuse dédiée à l'amour et à ses merveilles. (je sens le pire arriver, mon père est un grand fervent des discours et il adore se donner en spectacle, tout le contraire de sa fille donc.) Et je voudrais remercier ma merveilleuse épouse, Jenny. Une femme exceptionnelle, qui est apparue dans ma vie, au moment où je n'attendais plus rien de celle-ci. Grâce à elle, je me suis redécouvert. Elle m'a épaulé, elle m'a soutenu, elle m'a tendu les bras, alors que je croyais être incapable de ressentir tout ça à nouveau. Je t'aime Jenn. Et je te promets d'être le mari idéal pour toi, et j'espère être à la hauteur de cette promesse.
Il soulève bien haut sa coupe, alors que Jenny le regarde comme si elle allait fondre d'une minute à l'autre. Sans m'en rendre compte, j'ai les dents qui grincent. Mais une nouvelle fois, la main d'Enzo attrape la mienne et il la serre comme pour m'encourager à rester discrète. Je ne ferai pas d'esclandre, bien entendu. Je n'en ai même pas envie. Malgré mon cœur qui se serre en entendant ces mots magnifiques, la disparition de ma mère a toujours laissé une trace douloureuse dans ma poitrine, et encore plus le bonheur retrouvé de mon père.
-Tu es formidable, murmure une voix douce et rauque à mon oreille. Je t'aime, Charline.
Comment résister ? Comment empêcher mon cœur de s'apaiser en entendant des mots si parfaits de la part de celui que j'aime aussi ? Lorsque j'entends qu'il m'aime moi tout entière, Charline autant que Charlie.Il réussit à refroidir mon sang plus vite que je ne l'aurais cru. Je lui offre un sourire de remerciement, et il m'embrasse délicatement la joue sans me lâcher la main qu'il tient fermement. J'ai l'air d'une imbécile, avec mes yeux brillants et mes joues qui rougissent. Mais fort heureusement, personne ne se préoccupe du cas de la fille du remarié.
Mon père tend sa main vers sa nouvelle femme, qui se lève pour le suivre. S'entonne alors une mélodie romantique, dont la voix féminine et puissante exprime la beauté de l'amour et les jours heureux à venir.
Tout le monde observe avec tendresse le duo du jour qui s'avance sur la piste, et s'enlace pour entamer une petite valse timide en se regardant avec des yeux pétillants. Et après une minute attendrissante, d'un air entendu, mon père se détache d'elle puis se tourne vers l'assemblée. Jusqu'à ce qu'il me trouve du regard. Soudainement, je le sens très, très, mal.
Il approche de ma table et je sais ce qu'il s'apprête à faire, tout en ne voulant pas le comprendre. Je me sens cramoisir de honte, alors qu'il tend sa main vers moi devant tout le monde avec une joie qui ne peut que se lire sur son visage. Enzo me lâche en me poussant à attraper la main de mon père et je jurerais l'avoir entendu glousser ce con. Mais pendant quelques secondes je suis si troublée que mon père vient à douter de son geste.
Je saisis sa main, pour ne pas coller une honte monumentale ni à lui ni à moi, et il m'entraîne vers le centre de la piste de danse, où Jenny danse avec son propre père.
J'aurais préféré m'enterrer plutôt que de subir ça. Mon estomac se noue violemment, tandis que tous les regards sont braqués sur nous. Et que je danse maladroitement. Je suis si honteuse que je n'arrive même pas à regarder mon père dans les yeux.
-Charline... (par pitié, ne rends pas ce moment plus gênant qu'il ne l'est déjà !) Je suis vraiment très ému que tu sois ici, avec nous aujourd'hui. (Et merde. Il le fait.) D'ailleurs, je suis très heureux que tu aies pu amener ton petit-ami avec toi. Je le trouve sympathique, il a l'air d'être quelqu'un de bien.
Si tu savais papa...
-Je suis heureuse qu'il soit venu aussi.
Je réponds en priant intérieurement pour que notre conversation s'arrête là.
-Je n'y aurais jamais cru. Tu sais... Toi ici. Et encore moins toi ici et maintenant. Tu danses avec moi, que pourrais-je rêver de plus beau que ma fille dans mes bras à la première valse de mon remariage ? J'essaie au mieux de te faciliter l'événement, je sais que ce n'est pas facile entre nous. J'espère que tu as trouvé ta place et que tu te sens un peu à l'aise malgré tout ce monde que tu ne connais pas. Je ne veux pas trop en faire, ni pas assez, et parfois, je peux être maladroit, j'en ai conscience. Mais j'essaie de faire de mon mieux pour te faire plaisir, ou au moins te soulager. J'espère que tu n'es pas trop déçue de moi, ni que tu me détesteras encore plus demain. Ce n'est pas facile de te dire ces choses-là... Parce que tu es ma fille et que je sais que tu as longtemps joué un rôle qui ne t'appartenais pas. J'ai été trop exigeant, et pas assez attentif, même totalement absent pendant un certain temps. J'ai conscience que je n'ai pas été à la hauteur pour nous deux, que je n'ai pas été celui qu'il te fallait, et que j'ai causé la détérioration de notre relation. Je prends mes responsabilités devant toi aujourd'hui, et j'assume chaque faute que tu puisses me reprocher. Même si tu ne me les dis pas, je sais qu'il y en a des tonnes. J'assumerai ces erreurs, avec celle qui me poursuit depuis des années, toute ma vie. Sincèrement, je prie pour que toi et moi, nous soyons une vraie famille un jour. Et je ne te demande pas d'accepter Jenny dans ton cœur, juste de la tolérer pour le mien.
Je reste coite, déboussolée, pantoise, face à ce mea-culpa improvisé. Ses yeux brillent d'émotions intenses, et je reste bêtement scotchée par une telle déclaration.
Ce qui en fait beaucoup en si peu d'heures, et je suis à fleur de peau plus que jamais.
Cette journée finira par me tuer avant même qu'elle ne s'achève, j'en suis convaincue à présent.
-Merci, papa.
Il m'a complètement achevée, et je suis au bord du burn-out émotionnel.
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Charlie
RomanceCharlie est une jeune femme qui a vu sa vie basculer très jeune. Sa mère ayant succombé à un accident de voiture, elle se retrouve sans repère, avec un père de plus en plus absent. Celui-ci décide d'ailleurs de concrétiser le rêve de sa défunte épo...