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- Je suis toujours partant pour un petit remontant. Répond-il immédiatement. 

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Je marche en direction du petit parc où Thomas m'attends depuis quelques minutes. Il est debout, tirant sur sa cigarette comme s'il respirait l'air le plus pur de la terre. La neige recouvre le sol et l'air est plus frais que jamais avec les températures hivernales qui sévissent toujours.  

Il a toujours cette expression maussade qui le caractérise si bien. Cet air qui laisse envisager les pensées sombres d'un homme. Et Thomas est un homme sombre. Autant par le mystère qu'il laisse savamment planer au-dessus de sa tête, que par sa réserve volontaire. Il ne parle que si c'est nécessaire, et c'est une véritable qualité. Thomas provoque une certaine plénitude intérieure chez les personnes qui l'entourent. Près de lui, on ne se sent jamais en colère, anxieux, tendu, ni trop heureux non plus. Simplement apaisé. Du moins, c'est toujours ce que j'ai pu ressentir lorsqu'il est là. Je crois que le voir me fera le plus grand bien, pour me vider l'esprit et calmer mes nerfs. Je n'aurais pas besoin de parler, il comprendra en un regard j'en suis sûre.

J'approche de lui, et son mètre quatre-vingt-cinq me domine. Il est plus petit qu'Enzo, et moins massif, mais il a une allure svelte et des épaules larges, dignes d'un nageur. Il me sourit, ou du moins tire légèrement sur le coin droit de sa bouche ce que je peux avec l'expérience distinguer comme étant un sourire à la Thomas.

Puis nous marchons en silence jusqu'à un petit café loin de l'agitation urbaine, engoncé dans une rue piétonne.

Il fait tellement plus chaud à l'intérieur, que j'en ai des frissons à l'instant où je franchis la porte. Une fois installés à une table, le silence reste maître, comme si c'était inutile d'ajouter quoique ce soit qui n'aurait aucun intérêt.

Mais lorsque nos cafés arrivent, je me sens obligée de briser ce mutisme. Nous n'allons pas nous regarder boire comme des statues non plus.

-J'avais besoin de sortir. Me justifiais-je de mon appel tant bien que mal.

Il me regarde fixement, et ses yeux si sombres qu'ils semblent presque noirs m'intimident.

-Je sais. On peut en parler si tu veux vider ton sac, ou simplement discuter pluie et beau temps. Répond-il calmement.

Je ne suis pas gênée, ni même ne me sens coupable d'être ici avec lui parce que Thomas reste Thomas. Soit, je ne serais jamais en mesure de percer ses secrets bien trop grands pour moi, et je ne sais tellement rien de lui qu'il pourrait être aussi bien homosexuel qu'on ne le saurait jamais. Ainsi je sais qu'Enzo n'a aucun soucis à se faire, n'étant pas un jaloux maladif non plus, il a bien raison.

-Je ne sais pas encore. Je ne sais pas ce qui me ferait le plus de bien.

Il acquiesce lentement, les bras entremêlés, et les coudes adossés à la table.

-L'un est libérateur, l'autre est une échappatoire. A toi de voir ce qui te convient le mieux. Réplique-t-il en grand philosophe.

Je n'ai rien à perdre ni dans le premier ni le second cas. Et si je me suis tournée vers lui, c'est bien pour me sentir détendue et légère.

Alors je me lance dans un long monologue, parsemé de pauses longues ou courtes, de lampées de café pour tenir le coup, et accueilli par des hochements de tête compréhensifs et silencieux. Lorsque ma dernière aventure est contée, soit l'essayage de l'après-midi, je n'attends aucune réponse de sa part, voire même je l'espère. Il n'y a rien à ajouté de plus que ce que j'ai pu raconter, ma mère, mon père et Jenny en somme.

CharlieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant