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Mais comment le satisfaire, alors que je ne sais même pas comment m'y prendre ? 

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Je ne les ai jamais dit, je ne peux tout simplement pas les balancer maintenant, alors que ce n'est pas spontané ni approprié. Ce serait comme le supplier de ne pas lâcher la barque, alors qu'elle est déjà lancée. Ses mots me le prouvent. Il les a dit avec tellement de regrets, que j'ai déjà l'impression qu'il parle de nous au passé. Il trouve que ce n'est pas suffisant, mais lequel de nous deux est en train d'abandonner l'autre ? Comment peut-il vouloir que je me livre alors qu'il me laisse croire qu'il me laisse déjà partir ?

-Alors on en est là ? Explosais-je, pleine d'aigreur et de déception.

Il ne peut pas me faire ça. Est-ce que je m'emballe ? Ou préférais-je nier la réalité ? Il ne peut tout simplement pas me quitter.

-Je crois. Dit-il sobrement.

Comment peut-il rester si impassible à présent ? Si indifférent alors que quelques minutes plus tôt il était peiné ? Est-ce que je n'aurais pas vu cette peine en lui que dans mon esprit ? Dans l'espoir d'avoir à la partager ?

-Si tu fais ça, c'est pour toujours.

Je suis mitigée, entre le déchirement et la colère qui grandit en moi. Il ne peut pas faire ça, il faut que je me le répète.

-C'est toi qui l'as provoqué. Tu vois comme tu réagis ? Toujours dans l'excès ! Je ne sais pas ce que tu te dis dans ta tête, mais je crois que tu es toujours en train d'imagine et le pire, et tu ne te rends pas compte que tu laisses tout t'échapper à cause de ça. C'est toi-même qui pousse tout ce que tu as à partir. S'exclame-t-il.

Il semble déborder, mais revient vite à ce calme qui m'effraie. Parce que s'il est si stoïque, c'est que sa décision est prise. Et je ne peux pas le concevoir, il faut que je fasse quelque chose !

-Non. Je ne l'accepte pas ! Tu n'as le droit !

Il me fait sortir de mes gonds, je suis si énervé contre lui ! Je ne peux pas accepter ça de sa part, après tout ce qu'on s'est promis, après tout ce qu'il m'a dit, il ne peut pas me faire ça ! j'ai trop besoin de lui pour le laisser me rayer ainsi, il n'a pas le droit de le faire. C'est si insensé ! Tout est insensé ! Comment en sommes-nous arrivés là ? A ce point ? Est-ce qu'il me cache sa rancœur depuis longtemps ? Est-ce qu'il y pensait déjà avant ? A-t-il déjà eu tous ces doutes auparavant ? Je me sens dévastée par un sentiment de culpabilité dévorante, de colère intense, et de peine incommensurable.

Dans un élan d'impulsivité, j'attrape la tasse qui traîne sur la table, et la balance contre le mur. Avant même qu'elle ne l'atteigne, je regrette ce geste, parce que ça n'arrangera rien. Elle s'écrase bruyamment derrière lui, mais il ne bronche pas. Et ma culpabilité pour ce geste n'est pas assez forte pour que je n'ai pas envie de balancer d'autres trucs. Ses yeux trahissent un soupçon de pitié que je ne supporte pas. Je n'ai pas envie qu'il compatisse, je n'ai pas envie qu'il ait pitié, et je n'ai pas envie qu'il me quitte ! Je suis au bord d'exploser en un torrent salé, et mes yeux s'embuant aussi vite qu'il n'en faut pour le dire le révèle. Mais je n'ai pas envie de pleurer devant lui, parce qu'il aurait encore plus pitié ! Et rien que de penser à ça, j'ai encore plus envie de pleurer. Comme un cercle vicieux infernal spécialement conçu pour me torturer.

-T'as pas le droit de me faire ça Enzo ! Alors on va s'asseoir et discuter, et on va se poser les bonnes questions, mais je n'accepte pas ton indifférence ! Dis-je la voix tremblante.

Je commence à renifler, ce qui n'est pas bon signe, et je sens les larmes poindrent aux bords de mes yeux, menaçant de tomber. Dangereusement en équilibre, comme attendant le feu vert pour se déverser sans plus s'arrêter.

CharlieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant