Charlie

18

La jeune femme se détache du dos de Jenny, et je suis bouche bée. La panique, la douleur, la tristesse, de revoir un visage si proche du sien. Elle lui ressemble terriblement. C'est atroce. Là devant moi, les mêmes cheveux bruns, les mêmes yeux marrons, la même posture légère.
Elle a 8ans de moins que sa sœur et pourtant c'est son portrait craché, ou du moins de mon souvenir. Mais la ressemblance est si frappante !

Je reste ébahie... j'ai l'impression que ma mère est en face de moi, bien vivante, je la fixe pendant quelques secondes avant de réussir à reprendre mes esprits.

Tout le monde est gêné, sans savoir que faire, face à ma « non-réaction » si je puis dire. Même moi je suis partagée entre la prendre dans mes bras ou sortir de la maison.

Mais ma vrai nature reprend le dessus, et une vague de colère me possède progressivement, et une troisième option apparaît soudainement dans mon esprit.

Je prends mon père par le bras, et le mène a l'extérieur.

- Mais qu'est-ce que tu fait ?! Il n'y a pas que lui que j'ai dû surprendre en faisant ça, même moi, je le suis aussi.

Mais je veux qu'il me dise clairement dans quoi est-ce qu'il m'a fourrée.

- Ok, alors, est-ce que tu peux m'expliquer pourquoi tu ne m'a pas prévenue avant ?! Pourquoi est-ce qu'elle est ici ?! A quoi tu joues ?!

Il soupire, et ça a le don de m'énerver davantage.

- Marie est venue en Amérique exprès pour nous voir. Pour te voir .. et même si tu ne veux pas affronter le passé...écoutes il fallait bien que tu viennes la voir non ?! Je savais que tu ne serais pas venue si je t'avais dit la vérité, je vois a qu'elle point elle lui ressemble...

- Et j'ai l'air de quoi moi maintenant !

Il me regarde en prenant un air sévère qui ne lui ressemble pas, la fatigue perpétuelle qu'exprime son visage gâche complètement le côté père autoritaire.

- D'une jeune fille mal polie pour commencer.

- Tu te moques de moi ? Je ne m'attendais pas du tout a la voir ici aujourd'hui, ni même jamais !

- Je comprend, et je ne te demande pas de rester toute la journée, juste un petit peu, il ajoute précautionneusement, d'accord ?

Comme si j'avais le choix, je n'ai pas de voiture pour partir, et ma tante que je n'ai pas revue depuis la mort de ma mère est dans le salon. Yahoo, je sens que je vais passer une bonne après-midi moi.

Nous rentrons donc à l'intérieur, et les deux femmes nous rejoignent quelques minutes plus tard dans le salon.
Elle lui ressemble tellement. Je n'ai d'yeux que pour son visage. Jusqu'au moindres traits, jusqu'au moindre petit détails qui la rapproche d'elle.

Je ne vais pas supporter bien longtemps de regarder le sosie de ma défunte mère, c'est vraiment trop douloureux en fin de compte. Elle me fixe longuement elle aussi, un sourire timide au lèvres.

- Alors comme ça tu ne veux plus embrasser ta tante ?

Je sors de ma semi transe, et m'approche de ses deux bras grands ouverts.

Je lui embrasse furtivement la joue, mais juste assez pour qu'elle m'attrape et me serre fortement contre elle. Je la laisse faire, parce qu'une partie refoulée de moi a l'impression de la serrer...elle.

Je me retire doucement et contemple ma tante. Nous étions tellement proches toutes les deux à l'époque. Tous mes souvenirs remontent à la surface. Aucun son ne peut sortir de ma bouche. Et c'est elle brise le silence.

- 5 ans.... 5 longues années sans toi. Tu m'as manqué tu sais ?