Charlie

98

Si Rilee et Alec ont réussi à me pardonner, peut-être que j'en serai capable aussi.

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Ce matin, je me suis levée avec cette inexplicable sensation de pression intense dans l'estomac. Je suis en stress complet, et je n'arrive pas à m'en débarrasser. Dans quelques heures, tout sera différent. Définitif est le premier mot qui me vient en tête, et qui décrirait toutes les possibilités quant à cette journée. Et justement, je suis effrayée par toutes les possibilités.

Ce matin encore, je suis assise face à cette robe ornant toujours ma chaise. Plus je la regarde, plus elle m'apparait repoussante. Plus je la fixe, moins j'ai envie de l'enfiler.

Ce matin enfin, je me suis levée avec la gorge nouée, les membres tremblants, les muscles engourdis et l'esprit embrumé.

Je ne sais pas comment cela va se passer. Je ne sais pas comment je vais survivre. Et pourtant, alors que ma peau est encore humide sous ma serviette, alors que mes cheveux gouttent et que mes joues rosissent à cause du changement brutal de température entre la salle de bain et ma chambre, j'attrape la robe des deux mains et la tend face à moi. Comment en suis-je arrivée à ce point ?

Loin de moi l'adolescente perdue et enragée qui a lutté toutes ces années contre des démons intérieurs. Loin de moi ce jour où ma vie à prit un nouvel accent dans ma voix.

Je suis si différente et si proche de ce que j'étais avant d'arriver ici, alors que jamais je n'aurais imaginé que mon propre père devienne un tel étranger à mes yeux. De nous deux, c'est bien lui qui est fait pour cette vie-là. Il la savoure sa nouvelle vie. Alors que je n'ai fait que cracher dessus et attendre que le temps m'arrache les années impatiemment.

J'ai eu l'impression à un moment, qu'Enzo m'en avait fait gouter la saveur. Parce que je ne me suis jamais sentie si reconnaissante qu'avec lui.

La blessure est encore à vif, malgré toutes les insultes et les larmes dont j'ai usé pour la colmater.

Cette fois, même la colère n'y peut rien. Même la haine s'est entremêlée à l'amour. Avec une telle douleur, j'ai appris que même mes yeux savent pleurer sans s'arrêter.

L'heure tourne. Je sèche mon corps, puis mes cheveux. Une personne que je ne connais pas me regarde dans la glace. Et si cette inconnue pouvait devenir meilleure ? Et si elle apprenait à vivre avec une perspective d'avenir ? Et si ce mariage devenait mon nouveau départ à moi aussi ?

Puis brusquement, je me revois les traits tirés de fatigue et d'une rancœur amère vieille de plusieurs années.

Mon téléphone vibre plusieurs fois, mais je n'ai pas le temps de regarder qui m'appelle, parce que je suis vraiment en retard cette fois ! J'enfile la tant redoutée robe, et suis soulagée que les ajustements soient parfaits, auquel cas j'aurais eu l'air d'une vraie potiche. Je sais, on n'essaie pas sa robe de demoiselle le jour même pour voir si tout va bien, et pourtant je l'ai fait.

Le temps me paraît ralentir, ou du moins mes mouvements semblent très lents, puisque je n'arrive pas à maquiller mes paupières et mes cils avec efficacité et rapidité, ce qui me rend irritable.

J'essaie ensuite de coiffer mes cheveux indisciplinés, que le sèche-cheveux a rendu carrément indomptable. Je ne sais plus comment les attacher ni si j'ai envie de les attacher, et ça m'énerve instantanément. Le tout mélangé au stress et au manque de temps, mes nerfs ni résiste pas, j'éclate en sanglots. C'est à cause du stress, et de tout ce qui ne va pas dans ma putain de vie. C'est à cause de la peine et de la douleur de mon cœur. Si ma mère était là, elle m'aurait sûrement dit qu'avec un visage aussi ruiné, impossible de me laisser sortir sans me faire un ravalement complet avec ses soins. Si ma mère était là, moi je ne le serais pas ici. Je me remets à pleurer de plus belle, incapable d'avoir une seule pensée positive pour stopper le torrent qui me sort par les yeux.