Je le traine jusqu'aux toilettes en priant pour que personne n'ait compris. Heureusement la petite pièce est vide et je peux nous y enfermer. Ce qui est parfaitement suspect, mais pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les Forces, donc pour l'instant je m'en fous.
Je lui demande, en me retenant pour ne pas crier :
« Qu'est-ce que tu fiches ici tout seul ?
Son visage est parfaitement neutre. Il se tient très droit, les mains dans le dos. C'est un peu déstabilisant, jusqu'à ce que je me rappelle que c'est sans doute l'attitude qu'on attend d'un pilote qui va se faire passer un savon, un maintien plutôt militaire et impassible. J'imagine mal les pilotes en train de chouiner qu'ils ne l'ont pas fait exprès quand quelque chose se passe mal. Le fait qu'il ait gardé ses lunettes de soleil renforce d'ailleurs le coté perturbant de la scène.
Il me répond d'une voix aseptisée :
— Vous allez me dénoncer ?
— Je devrais," dis-je, énervé. "Je veux dire, c'est le protocole. Mais bon... je n'ai aucune envie de ruiner ma soirée, alors je pense que le mieux, ce serait que tu rentres à la Tour et qu'on n'en parle plus, d'accord ?
Je le vois serrer les poings et prendre sur lui. Il est en colère lui aussi. Ce que je peux comprendre. On ne se connait pas, il ne fait rien de mal et je suis en train de le renvoyer comme un malpropre.
Mais d'un autre coté, ce sont nos deux carrières qu'il met en danger pour quelque chose d'aussi stupide que d'aller dans un bar. En ne le dénonçant pas, je prends le risque que ça me retombe dessus, juste pour l'arranger. Il le sait, je le sais, il sait que je le sais, etc...
De mémoire, Copper a toujours été raisonnable. Il me semble. En fait je ne sais pas grand chose de lui, je n'ai jamais suivi sa carrière avec attention, étant plutôt fan de pilotes plus flamboyants, et, ironiquement, de l'acteur qui joue son rôle dans les films qui lui sont consacrés. Copper lui-même est quelqu'un d'assez terne, toujours neutre, toujours sage. Son visage ne sort pas de l'ordinaire, légèrement arrondi, une bouille un peu molle ornée de quelques grains de beauté. Il a les cheveux châtains qui bouclent bien qu'on les ait coupé courts et les yeux marrons. Physiquement, il est plutôt trapu, et même si son entrainement doit le garder dans une forme physique optimum, engoncé comme ça dans son anorak on ne dirait vraiment pas un sportif.
Rien, dans son apparence, ne trahit qu'il fait parti de l'élite, devenu pilote suite à une sélection drastique. Pas étonnant que personne ne l'ai reconnu jusqu'à présent. Même ses conférences de presse sont des modèles du genre tant elles sont calibrées et ennuyeuses. Je n'ai aucune idée de ce qui l'a poussé à venir ici seul. Et la parano me gagne. Si c'était un test des Forces ? Un moyen de voir si je suis assez fiable pour remplir enfin d'autres missions que...
Non. C'est stupide. Ils ne prendraient jamais de tels risques avec leurs pilotes adorés, surtout pour un simple opérateur.
D'ailleurs, il ne proteste pas, ne me reprend pas, ne s'impose pas. Je l'ai traité comme un gamin et l'ai tutoyé spontanément, parce qu'il a un coté très adolescent timide, la tête baissée, le visage neutre, les mains dans le dos. Mais il est majeur et vacciné, athlète et soldat d'élite, suffisamment intelligent et solide pour qu'on lui confie quotidiennement les milliers de tonnes d'un mecha capable de raser une capitale. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi il me demande d'une si petite voix :
— Est-ce qu'on ne peut pas rester un peu ? Ça ne changerait pas grand-chose, maintenant.
Je soupire :
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L'éternelle bataille
Science FictionRobots géants contre monstres géants, c'est le combat perpétuel qui mobilise les foules et toutes les ressources de ce monde. L'UFIT (les gentils) se bat contre le Soleil Noir (les méchants), c'est pour ça qu'ils peuvent demander tous les efforts et...