Chrome 4 : centres d'intérêt

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Pour poursuivre la conversation, Landon a choisit de se vanter : de son niveau social, de ses études, de ses hobbies. Il le fait de manière très mécanique et semble penser à autre chose en même temps. Il sourit. Et son regard ne parvient pas à se fixer sur quoi que ce soit. Comme s'il restait concentré sur lui-même et était passé en mode automatique.

Je lui dis :

— Vous ne me parlez pas de vous, là. Vous me parlez de votre image. Je sais que vous êtes un golden boy, ça se voit. Mais qui êtes-vous ? Qu'est-ce qui vous différencie de n'importe quel autre type comme vous ?

— Comment ça, des types comme moi ?

— Des jeunes hommes riches qui sont nés dans des familles civiles riches, sont allé dans l'un des cinq établissements privés qui forment l'élite et payent des fortunes pour avoir des loisirs de riches. Vous êtes peu nombreux dans l'immensité de ce monde mais vous êtes quand même quelques milliers.

Il est surpris et me rétorque :

— Pareil pour vous ! Qu'est-ce qui vous différencie de n'importe quel autre pilote ?

— Je suis Chrome, je suis rigoureux et travailleur. Mon but est la maitrise parfaite. Mes techniques de combat sont calculées et ne laissent aucune faille, ni aucune place à l'improvisation, ce qui me contraint à faire équipe avec des mechas moins prévisibles. Je suis un traqueur méthodique et un analyste froid. Sous ma direction l'escadron a connu peu de batailles risquées mais nous n'avons essuyé aucune défaite. Quand à ce qui me distingue des autres Chromes, c'est qu'ils sont morts et que je suis vivant. Pour l'instant. Sinon, nous avons tous été sélectionnés sur le même modèle.

Première fissure du masque. Je crois que je l'ai choqué. Mais on gagne du temps. Si je ne lui conviens pas, ce n'est pas la peine de gâcher de l'énergie à essayer de le connaitre.

Au lieu de ça, il me regarde avec une expression soucieuse et souligne :

— Comment ça, pour l'instant ?

— C'est à dire ?

— Vous venez de dire que vous êtes vivant, "pour l'instant". Pourquoi ce choix de mot ? Vous êtes inquiet pour votre futur ? Vous... vous êtes malade ?

— Je suis pilote depuis dix ans, c'est déjà un record. Tout sera donc bientôt fini pour moi. Soit je faiblirai et mourrai de mon erreur. Soit je faiblirai et serai mis à la retraite.

— La retraite, à votre âge, ce n'est que le début de la vie, non ?

— Ma vie sert à faire vivre Chrome. Je n'ai rien d'autre et je ne vois pas l'utilité du reste.

Il semble triste et me prend la main. Un geste de séduction ? Non, pas avec ce visage. Lorsqu'il me parle, c'est avec beaucoup de douceur dans la voix :

— Mais vous êtes plus que simplement le pilote d'un mecha, non ? Vous n'avez pas une famille, des amis, des choses que vous aimez ?

— J'ai Chrome. Je ne suis pas malheureux. Il ne faut pas être triste pour moi.

Il retire sa main comme s'il s'était brûlé et rougit. D'habitude, ce genre de remarques me met en colère : les gens qui me plaignent de ne me centrer que mon mecha injurient mon mecha. Mais là, même moi je dois bien admettre qu'il était sincère dans son empathie. Il s'est trompé, comme tous ceux qui pensent que nos mechas sont des machines sans âme. J'essaye de lui expliquer :

— Chrome n'est pas un robot. C'est un mecha. Il a une âme, une mémoire et une sensibilité. Il a sa propre personnalité et sa propre manière de penser. Et je l'aime plus que tout, comme chacun de ses pilotes l'a aimé. C'est normal pour nous.

L'éternelle batailleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant