«Alessandro ! Mon ami ! Comment vas-tu ?
Dès que ma cible est en vue, je l'ai salué à bras ouverts, avant d'en abattre un sur ses épaules. Il est aussi grand que moi, mais plutôt sec, et je pourrais le mettre à terre en une seconde si j'accentuais un peu la pression. Il le sait et me grimace un sourire, en imitant mal mon ton enjoué :
- Gold ! C'est un plaisir de te voir ! Mais tu n'étais pas censé être avec Vivian aujourd'hui ?
- Hé non, changement de plan mon grand, finalement c'est toi. Je sais, je sais, c'est toujours difficile de se faire à un nouveau modèle, surtout quand on est un artiste... Mais je dois t'avouer une chose, Alessandro. C'est moi qui en ai fait la demande. Je trouvais ça important.
- Important ? Pourquoi ça ?
Je lui plante mon doigt dans les côtes tout en affirmant :
- Important pour ton moral, Alessandro ! Je ne voulais surtout pas que tu restes à te morfondre dans ton coin, ou pire, que tu te retrouves à photographier de stupides objets au lieu de t'occuper des modèles... Tu es un bon photographe, on le sait tous. Il ne faut pas que tu le laisses abattre !
Il a enfin compris où je veux en venir et me jette un regard en coin, tout en grommelant :
- Si c'est à cause de cette histoire avec Brass, je te jure que...
- Tatata, n'essaye pas de me raconter des histoires, ce serait indigne de nous. Évidemment que tu le connaissais à peine et que tu n'étais au courant de rien, on connait la chanson, on sifflote la même sur tous les tons depuis le début de toute cette embrouille. Non, mais ce qui est évident, c'est que tu as perdu ton égérie. Et ça, pour un artiste de ta classe, c'est une sacré tuile. Donc ne t'en fais pas, je suis là !
Je conclus mon speech en me frappant la poitrine d'une manière théâtrale, et une lueur d'intérêt s'allume dans son regard. Il croit qu'il a compris où je voulais en venir, et le voilà tout de suite plus amical :
- Ah, je vois, je vois... Tu as frappé à la bonne porte, mon petit Gold. Si tu penses que tu as ce qu'il faut pour avoir le même traitement... spécial que Brass 137, alors je suis celui qu'il te faut. C'est sûr que ce n'est pas Vivian qui pourra t'aider à te démarquer... Avec tout le respect que j'ai pour elle, évidemment. Elle est très douée, très efficace... mais très classique.
- Ah ah, je savais qu'on serait vite sur la même longueur d'onde toi et moi... C'est ce qui nous caractérise, après tout : avoir de l'ambition. Et je sais que tu en as, Alessandro. Tu es tout à fait le genre de type qu'on aurait mis sur le Gold à l'Académie !
Tout en déroulant mon baratin je demande pardon à Gold mentalement. JAMAIS un type aussi avide et glauque qu'Alessandro n'aurait été admis à l'Académie, déjà, et encore moins à toucher au Gold. Mais c'est le meilleur compliment qu'on puisse faire à quelqu'un, à mon humble avis, et en tant que pilote du Gold je suis celui qui lui donne le plus de poids. Silver râle sur cette soi-disant manie égocentrique de ma part, n'empêche que ça marche à tous les coups.
Alessandro ne fait pas exception et se rengorge :
- Ma foi, ce n'est pas faux... Je suis quelqu'un qui a toujours su voir grand.
- Et qui sait parier sur le bon cheval pour aller jusqu'au sommet, je parie, non ?
- Et bien...
Il me sourit, je lui souris, on se complimente, autant dire que je l'ai dans la poche avant même que les séances de pose ne commencent. Bien. Maintenant, il faut que j'aborde le sujet fatidique tout en douceur... Oui, je pourrais lui laisser le temps de s'apprivoiser et l'interroger plus innocemment ce soir, il sera sans doute invité à la fête et aura bu, ce serait plus simple. Mais j'aime bien l'idée d'arriver ce soir et d'être le seul du groupe à avoir avancé dans l'enquête. Oui, j'ai la tâche la plus simple et au fond de moi je n'ai aucune envie de participer, mais puisque je participe, autant leur montrer ce que je vaux tout de suite.
Pendant la pause, je l'isole à nouveau, en essayant cette fois d'attaquer sous un autre angle :
- Dis-moi.. J'imagine que Brass avait de quoi l'aider, non, pour assurer ?
- Tu veux dire, à part la génétique ?
- Oui. Je te parles de quelque chose de plus chimique. Enfin, c'est ce qui se dit. Mais on ne sait pas comment il se fournissait, et...
- Houlà, je t'arrête tout de suite, petit. Brass c'est Brass. Il sait... enfin, il savait se faufiler entre les mailles du filet. Toi, c'est hors de question. Et puis t'en as pas besoin, tu es très bien comme ça.
- Ok, ok... mais il parait que son fournisseur sera à la soirée, et je me demandais...
- Quoi ? Non, ça c'est pas possible, je te jure que cet enfoiré de Liang Nian a disparu de la surface de la terre. Ce petit con a réussi à se mettre l'UFIT et le Soleil Noir à dos, tu te rends compte ?
- Sérieux ? Nan, c'est pas possible. On doit pas parler du même. Moi, je te parle d'un dealer, qui vendait des trucs à Brass. Pas d'un agent secret ou...
Je fais comme si je réalisais d'un coup ce que j'étais en train de dire. C'est l'avantage - en quelque sorte - quand on est une montagne de muscles : les gens sont tout à fait disposés à vous prendre pour un crétin. Même si vous avez passé tous les examens de l'UFIT haut la main. C'est con, mais ça peut être utile, et je murmure de ma voix la plus horrifiée :
- Attend, tu penses qu'il était lié à ce que Brass faisait ? L'histoire de la haute trahison et tout ça ?
- Bien sûr qu'il y était lié. C'est lui qui l'a foutu dedans. Cet imbécile heureux de Brass n'aurait jamais imaginé ça tout seul.
- Ça craint... c'est plus dangereux que je l'aurais cru, de trainer avec des dealers...
- Hé oui, ce n'est pas pour rien que l'UFIT ne veut pas que vous trainiez dehors tous seuls... Vous êtes des petits poussins tout juste sortis de l'œuf ! Encore purs et naïfs.
Cette idée a l'air de bien le faire rire. Je demande, l'air faussement inquiet :
- Mais ce type, Lanian...
- Liang Nian.
- Ouais, machin, il n'avait pas des amis ? On risque de croiser des amis à lui ici, dans la Tour ?
- Ça m'étonnerait ! Il arrivait à s'incruster dans des soirées de la haute, mais seulement parce que c'était un putain de canon. Un Hanae, ça m'étonnerait que tu en ai entendu parler...
- J'avoue, ça ne me dit rien.
- Évidemment. Enfin bref, ce Liang Nian était un Hanae, mais à la base c'était personne. Il a apprit le métier avec le Pharmacien, qui est assez réputé dans son genre, et je sais qu'il trainait avec ce gars, qui n'arrête pas de ramasser des gamins, celui qu'ils appellent tous Tonton... Et qui est pas net non plus, à mon avis... Mais ne t'en fait pas, on ne risque pas de voir toute cette clique mettre les pieds à la Tour ! Même le Pharmacien n'aurait pas les relations nécessaires, et de toutes façons il a disparu de la circulation depuis un moment maintenant. C'est dommage, d'ailleurs... Maintenant que le chinois a disparu aussi, ça va être dur de retrouver cette qualité. Tu vois, c'était de l'artisanal...»
Il continue à m'expliquer toutes les subtilités des produits qu'il m'interdit de prendre, et je hoche la tête, tout en faisant de mon mieux pour retenir tous ces noms. Je suis vraiment trop fort, j'ai réussi à trouver une piste !
Et du coup il va falloir que je la suive. Merde...
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L'éternelle bataille
Science FictionRobots géants contre monstres géants, c'est le combat perpétuel qui mobilise les foules et toutes les ressources de ce monde. L'UFIT (les gentils) se bat contre le Soleil Noir (les méchants), c'est pour ça qu'ils peuvent demander tous les efforts et...