Copper 8 : ultimatum

19 5 0
                                    

Devant moi se dresse un choix, matérialisé par deux boitiers quasiment identiques, deux appareils espions qui peuvent faire basculer un camp ou l'autre, et tout ce qui tourne en boucle dans ma tête, c'est : « Comment j'en suis arrivé là ? »

Si j'installe le relais de Lilith sur le Platinum, Landon et Chrome pourront savoir ce qui cloche avec ce mecha, et ensuite... ensuite on ne sait pas, bien sûr. Il faut recueillir des informations avant de mettre au point un plan, c'est la base. Le but reste de prendre le contrôle de l'UFIT, pour lui permettre de garder son rôle de gardien de la paix mondiale sans détruire pour autant les vies de ses citoyens. Et soyons honnêtes : il n'y a absolument aucun moyen pour qu'on réussisse.

Si j'installe le logiciel corrupteur contenu dans le boîtier qu'Osmium m'a remis, alors tous les secrets de Lilith, donc de Landon et Chrome, seront recueillis par Platinum et Osmium. Ce qui n'est même pas le pire qui puisse arriver. Les services secrets de la Tour sont bien plus redoutables. Même si je ne doute pas un seul instant qu'à la moindre information suspecte Chrome et Landon seront dénoncés aux agents compétents. Osmium n'a mis cette étape que pour me pousser à agir en toute bonne conscience. Elle m'a juré que si j'avais raison et que Chrome était innocent, ma petite manœuvre n'aurait aucune conséquence. Et je suis absolument certain que j'ai raison et que Chrome est innocent. Je ne suis même pas sûr qu'il puisse penser à faire quelque chose d'égoïste ou contraire aux intérêts du bien commun. Il est inflexible, pour le meilleur et pour le pire.

Trahir semble épouvantablement facile et raisonnable.

Je prends les deux boitiers, un dans chaque main, comme si je pouvais matériellement soupeser mes options. Je sursaute violemment lorsque mon com bippe. Chayan. Je cache les artefacts dans mes poches comme un adolescent pris en faute et lui répond immédiatement :

« Salut ! Comment ça va ?

— Bien, et toi ? Quoi de neuf ? Ça fait longtemps, mec.

Je ne peux pas retenir un sourire : quand il m'appelle comme ça, c'est pour me dire que je lui manque et qu'il hâte de me voir. Quelles que soient les circonstances, ça me rend toujours heureux.

Il faut que je l'intercepte, quand il viendra ce soir. Il faut que je lui dise qu'il a été repéré, qu'il est en danger. Qu'il va devoir partir. Je n'avais pas voulu y penser, je n'étais pas prêt à y penser, mais rien à faire, l'évidence est là : il a été repéré, même en tenant ma promesse à Osmium il sera en danger. Il doit fuir, je ne suis pas capable de le protéger de l'UFIT en ce moment.

— Ça va, Copper ? me demande-t-il gentiment devant mon silence. J'appelle au mauvais moment, peut-être ? Je croyais que tu avais un planning plutôt allégé en ce moment, mais si ça t'arrange, je peux...

— Non, non, ne t'en fait pas. Ça va. J'ai le temps. C'est juste que... je suis assez fatigué. Tu sais, dès qu'on a moins de mission, c'est reparti pour les campagnes marketing, alors...

On doit se retrouver aux hangars, c'est bien plus simple que de le faire monter jusqu'à notre étage. Pour lui signaler de venir plus tôt que prévu, j'ajoute :

— On a au moins deux tours de cadran rien qu'en séances photos.

— Je comprends.

— Mais ça me fait toujours plaisir de t'entendre. Tu le sais bien.

— Aucun souci.

Il se met à bavarder gentiment, de tout et de rien, de son travail, du dernier livre qu'il s'est acheté, de la fête presque secrète qu'un collègue a organisé dans les dortoirs. Je me rappelle avec nostalgie quand ce genre de discussion n'était pas un maquillage pour que ses appels semblent innocents, quand tout ce qui m'importait était réellement d'en savoir plus sur lui, ce qu'il vivait, ce qu'il pensait, ce qu'il ressentait, quand entendre sa voix illuminait ma journée. A présent qu'une menace pèse sur ses épaules, son babillage est une torture. Je meurs de ne pas pouvoir le sauver, le protéger contre tout ce qui pourrait lui faire du mal.

L'éternelle batailleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant