L'éternelle bataille

Gold 3 : partage des tâches

Silver demande à Platinum :

— Tu vas passer en jugement pour avoir laissé Brass partir ?

— Apparemment... non. Je veux dire, ils ont commencé à en parler, puis je n'ai plus eu aucune nouvelle, et tout le monde s'est mis à répéter que ce n'était qu'une erreur, vraiment pas grand chose... J'ai cru que c'était parce qu'ils avaient besoin de moi pour la mission Geoffrey Lloyd, mais même maintenant qu'on l'a retrouvé, tout le monde semble avoir oublié que Brass a filé. Et ça aussi, ça ne suit pas les protocoles. Ils sont en train de préparer un plan de com monstrueux autour de Lloyd et j'imagine que c'est pour que le public adopte officiellement nos CinqGen. Mais il y avait quand même une accusation de haute trahison, ça ne peut pas disparaitre comme ça !

Chrome complète, toujours aussi froid :

— Soit Brass a réellement commis un acte de haute trahison, même si c'est accidentel, et ils vont le pourchasser et l'éliminer. Soit il ne servait que de bouc émissaire pour quelque chose, et un autre sera bientôt désigné. Nous devons découvrir le fin mot de l'histoire rapidement pour le protéger et nous protéger.»

Il finit sa phrase en me regardant, et je suis bien obligé d'acquiescer. Brass nous a tous mis dans la merde d'une façon ou d'une autre, et maintenant il faut faire avec. Et il faut que j'empêche Silver de se mettre en danger pour sauver cette tête brûlée. Sans le lui dire, évidemment - Silver ne supporte pas que je le protège.

La suite de la réunion a été plutôt chaotique, mais on a fini par mettre au point une ébauche de plan - on avait tout de même Chrome et Mercury parmi nous, peu de bavardages inutiles arrivent à survivre à leur rigueur. Nous avons chacun une tâche à accomplir pour arriver à en savoir plus long et "débusquer les traitres", comme dit Platty. J'ai été chargé d'interroger le photographe qui a adopté Brass pour essayer d'en savoir plus sur ce dealer, et Silver doit trouver un moyen de parler aux stratèges. Les points les plus délicats, comme étudier l'IA du Brass ou fouiller dans les dossiers des services secrets, restent gérés par le petit groupe de départ composé de Chrome, Chayan et Copper. Platinum est le seul à ne rien avoir à faire, mais il est le plus célèbre des pilotes, très occupé et observé de tous les cotés : il ne ferait que nous mettre en danger s'il commence à poser des questions gênantes.

Tandis que nous revenons lentement à nos quartiers, Silver et moi, je médite silencieusement sur l'affaire. Des traitres dans l'UFIT... ça expliquerait beaucoup de choses. Mais il ne faut pas que ça vire à la chasse aux sorcières, et que notre image en souffre. L'hégémonie des Forces Terriennes est essentielle à la paix mondiale. Chez moi, les guerres pour le quartarium ont fait beaucoup de dégâts avant que nous n'ayons rejoins l'UFIT, et je sais que les nationalistes n'attendent qu'une occasion pour reprendre les armes. Notre rôle de gardien de la paix mondiale me semble plus important que celui de détectives amateurs...

Silver interrompt le fil de mes pensée en me disant :

« Finalement, tu te joins à nous. J'avais peur que tu préfères rester à l'écart.

— Déjà, tu me connais : je déteste rester à l'écart de quoi que ce soit. Surtout quand toi tu es impliqué.

— Je suis parfaitement capable de m'en sortir seul, tu sais. Surtout qu'on est plusieurs à s'en mêler.

— Alors pourquoi tu m'as demandé de venir ?

— Je ne t'ai pas demandé de venir. Je t'ai dis que si tu voulais venir, tu pouvais.

— Tu joues avec les mots. Comme d'habitude. Mais bon, même si c'était présenté d'une façon tordue, tu as voulu que j'en sois et que je vous aide, et ça me fait plaisir, mon cœur. Vraiment.

— Tordue, tordue, tu aurais voulu quoi, une invitation avec un petit nœud rose ?

Je me retiens de pouffer. Oui, il m'agace avec ses détours, mais je le connais bien, et au final ça m'amuse. Alors je me contente de lui caresser la tête et de continuer à le taquiner :

— C'est ce que Platty t'a envoyé pour te convaincre de le supporter en dehors des heures de travail ? J'aurais dû m'en douter. Tu ne peux pas résister à un petit nœud rose.

— Oh, mais ne t'en fais pas, je le déteste toujours. C'est juste que je déteste encore plus quant on s'en prend aux nôtres.

— Mince, Platty fait parti des nôtres maintenant ? Préviens moi la prochaine fois, j'ai encore planqué son col connecté pas plus tard qu'hier.

Il rit doucement et me dit :

— Ah, mais ça tu continues, pas de soucis. Il est des nôtres, mais on ne l'aime toujours pas, il faut pas exagérer.

Ça me fait rire. Il fait semblant d'être vexé et de me mettre un coup de poing dans l'épaule, en se moquant :

— Bon sang, Gold, tu es fils unique, toi, non ? Enfin, c'est pas grave si tu ne comprends pas. De toutes façons, c'est surtout moi qui vais m'impliquer, donc...

— Ah, non, Silver, ça je ne crois pas.

— On a dit...

— Oui, oui, je sais ce qu'on a dit, partage des tâches, rapide, efficace, blablabla. Je m'en fous. On sait très bien tous les deux que tu ne vas pas me laisser seul pour retrouver la trace du dealer de Brass, et que je ne vais pas te laisser seul pour interroger les stratèges, donc on fait tout ça tous les deux. Fin de la discussion.

Il roule des yeux et râle sur mon autoritarisme, mais bien sûr, ça lui va : tout ce qu'il attendait de moi c'est que je m'implique. Et il n'a pas l'air de remarquer que je ne veux pas le laisser faire trop de choses seul avec Platty ou avec Chrome, ce qui est parfait.

J'enchaîne :

— Du coup, c'est quoi le plan ?

Il me reproche toujours de tout diriger, mais quand je le laisse décider j'ai toujours droit à ce regard mauvais, comme celui qu'il est en train de faire, comme si j'étais en train de le piéger. Alors que pas du tout. Enfin, un peu, disons que si il pouvait réaliser qu'on manque quand même de possibilités concrètes ça m'arrangerait bien. Mais ce n'est pas vraiment un piège, et je lui fais mes grands yeux les plus innocents pendant qu'il marmonne :

— Je ne sais pas encore vraiment. Pour ta partie, ça devrait être simple, il faut discuter avec cet Alessandro dès ton prochain shooting. De mon coté...

— Je t'ai dit qu'on faisait tout ça ensemble, mon cœur. Alors, coté stratèges...

— Et bien, on m'a confié cette mission parce que j'ai un prétexte tout trouvé pour leur parler, déjà : il leur faut un rapport bien complet sur notre duo Silver/Gold dépareillé, et je vais y aller. Ensuite, j'improviserai.

— Ce qui me semble parfait, vu que je suis la moitié du duo Gold/Silver dépareillé. Quand est-ce que tu y vas ?

— Demain, après l'entrainement.

— Parf...

— Non, toi demain tu dois faire les photos.

Je dois avoir l'air dépité, puisqu'il se radoucit et me caresse gentiment le visage, tout en disant :

— Mais ne t'en fait pas. Pour la suite, promis, on cherchera ensemble. Si on peut.

— Je pense juste que c'est mieux d'être à deux pour...

— Oui, oui, j'ai bien compris. Et je suis d'accord. Mais ça dépendra de nos possibilités. D'ailleurs, demain soir... Enfin, ce soir, on doit être à la fête, on pourra toujours s'éclipser et faire le point tous les deux. Ça te va ? »

"S'éclipser", c'est un peu devenu le prologue nécessaire de tous nos rendez-vous, et j'ai du mal à cacher mon sourire. J'essaye toujours de me la jouer cool et détaché devant Silver, mais dès qu'il commence à s'adoucir, je ne suis plus qu'un petit chiot en train de quémander un peu de tendresse. Donc bien sûr, aucun soucis, ça me va.