L'éternelle bataille

Felis 6 : Préparatifs

J'ai toujours su que Tonton avait des amis partout, et que la plupart n'étaient pas fréquentables. Ce n'est pas sensé me gêner. Après tout, je ne suis pas fréquentable non plus.

Mais les hackers, c'est quand même un cran au-dessus de mes clients zarbs habituels.

Il faut dire que depuis que l'UFIT a la main basse sur toutes les communications et les médias - au nom de la sécurité et de la lutte contre le Soleil Noir, évidemment - tout ce qui est informatique est très contrôlé. Pas totalement contrôlé. Juste assez pour que les éternels rebelles tentent le coup et arrivent à passer sous les radars un temps, en profitant des failles que l'UFIT a volontairement laissées. Et de temps en temps, l'UFIT exploite la faille en question pour choper tous ceux qui l'ont utilisée. Avant de laisser d'autres failles de sécurité ailleurs.

Ils ne sont pas stupides, ils savent bien qu'ils auront toujours des opposants, l'essentiel est de les faire sortir du bois, séparer ceux qui sont vraiment décidés de ceux qui ne feront jamais rien de sérieux, et de s'occuper de leur cas. Surtout, ne pas les pousser à s'entraider avec une oppression bien homogène. Toujours traiter différemment les uns et les autres, pour mieux les diviser. Bref, l'UFIT n'est pas le genre d'oppresseur qui serre le couvercle de la marmite jusqu'à ce qu'elle explose. Ils sont très habiles. En face, le Soleil Noir est d'ailleurs souvent réduit à jouer en défense : l'essentiel de leur énergie leur sert à survivre et ne pas se faire prendre, on ne peut pas dire qu'ils arrivent à fomenter grand-chose de très révolutionnaire. Ah, et ils envoient des monstres géants attaquer des villes, aussi. C'est dire à quel point on est censé les prendre au sérieux.

Quoi qu'il en soit, les hackers qui ne soutiennent pas le Soleil Noir sont rares, très bien organisés, et les pièges réguliers de l'UFIT leur servent d'examen d'entrée : si tu arrives à esquiver le piège, tu peux les rejoindre. Ils ne sont pas nombreux, ils sont toujours en mouvement, et ils sont très spéciaux.

Je veux dire, ils ne sont pas du genre à avoir besoin de mes services, parce qu'aucune de mes drogues ne leur ferait d'effet. Ils utilisent directement des implants cérébraux pour stimuler leurs neurotransmetteurs. Spéciaux dans ce genre là.

Et il y a un ancien poussin de Tonton parmi eux. Je dis ancien, parce qu'elle a clairement passé l'âge de rester sous l'aile protectrice de Tonton, pas parce qu'elle est vieille. Elle n'a pas vraiment d'âge. Elle n'a pas beaucoup d'expressions faciales non plus. Je tente de rester concentré sur ses lunettes, des lunettes noires en miroir, c'est stupide, c'est parfaitement impossible de voir ses yeux avec ça, mais je fais quand même de mon mieux pour rester focalisé dessus, parce que sinon mon regard va glisser jusqu'au truc électronique qui a bel et bien l'air de lui sortir du crâne, et là je vais vraiment flipper. Ce ne sont pourtant que les prises des implants neuronaux qui dépassent, des plaques de plastique transparent, protégeant différents tubes et excroissances métalliques. Et quelques ouvertures. De quoi réparer ou changer les implants sans avoir à ré-ouvrir le crâne. Rien que l'idée me donne le frisson. Je veux dire, je n'ai rien contre les implants sous la peau, les prothèses et les cyborgs ne me font plus rien, mais ça, c'est quand même un tout autre niveau dans le malaise.

Et elle a des dreads, aussi. De toutes les couleurs. Dont deux fluos. Et une qui clignote.

« Alors... C'est tout ce qu'il vous faut ? Des faux implants biométriques ?

- Il nous faut quelque chose de solide" explique Tonton. "C'est pour entrer dans la Tour de l'UFIT. Ils ont d'excellentes IA.

- Pas aussi excellentes que cette merveille." assure la hackeuse en tapotant amicalement son ordinateur. Elle a une voix étrangement chantante, ses phrases ont davantage de mélodie que d'intonation.