L'éternelle bataille

Chayan 3 : visite

J'ai dit que j'étais fier de faire parti de l'UFIT ? Conneries. Je hais ce boulot et je déteste ma vie.

Quand on arrive à retrouver la trace des Soleils Noirs, on est oublié aussi sec : place aux forces d'intervention, mechas en tête, qui vont faire le ménage vigoureusement. Par contre, quand on a le malheur de lancer une piste qui devrait aboutir aux Soleils Noirs et qui finalement tourne court, là, je peux vous garantir qu'ils se souviennent de vous.

Bordel. Ça a pris une demi-heure à Chrome pour aller sur place et de voir que c'était une erreur. Le même temps pour revenir. Bon, il y a des dépenses en utilisation de quartan pour le déplacement de son mecha, mais ça reste nettement inférieur à un entrainement standard. Le quartan est une source d'énergie aussi précieuse que rare, donc très chère, et on ne fait pas n'importe quoi avec les mechas, et chaque sortie est un risque, et blablabla...

Et puis merde, la source avait toujours été fiable, et ça aurait été criminel de prendre le risque de ne pas donner l'alerte, vu le nombre d'éléments que j'avais. Si on doit se tromper, mieux vaut que ce soit dans ce sens.

Mais bien sûr, ce n'est pas l'avis de mon chef. J'ai choppé un blâme. Prochaine boulette de ce genre et je suis rétrogradé. Et après, c'est la porte.

Bon, ça aurait pu mieux se passer si j'avais accepté l'engueulade en silence. Comme Copper, bien sage, les mains derrière le dos, impassible. Mais j'ai voulu me justifier, expliquer pourquoi j'avais pris cette décision. Parce qu'elle était bonne, ma décision, j'en reste persuadé. Étant donné les éléments que j'avais, c'était la meilleure chose à faire, le seul moyen d'être sûr de ne pas passer à coté d'une menace importante. D'ailleurs, on ne m'a donné aucun argument expliquant que j'avais commis une erreur. Je peux admettre que je commets parfois des erreurs, ça fait parti de la vie. Mais non. Pour eux, je n'ai pas commis une erreur, je suis une merde indigne des Forces et ingrat envers l'institution qui m'a charitablement donné ma chance. Comme si je n'avais pas passé des années de prépa à bosser comme un malade pour réussir leur putain de concours. Que j'ai eu haut la main, au passage. J'aurai pu être chef de service, aujourd'hui, si j'avais un jour appris à fermer ma putain de gueule.

Qu'ils aillent tous se faire foutre.

Je mange seul ce midi. Les collèges ont vite appris à ne pas me parler quand je suis de cette humeur. J'en profite pour regarder les comptes-rendus de mission. Copper a brillamment réussi ses deux dernières, mais son mecha va être immobilisé pour un certain temps : le kaiju a réussi à briser le bras du robot. Je grimace en voyant les dégâts. Copper était bien sûr en sécurité dans son cockpit, dans le torse de l'appareil, mais le choc a dû être terrible. Aucun signe de blessure ni de séquelles dans le compte-rendu, à mon grand soulagement. Depuis qu'on s'est rencontré, j'ai toujours peur qu'il lui arrive quelque chose. Absurde... Comme si parler quelques heures à quelqu'un suffisait à créer un vrai lien. Comme si créer un lien augmentait les chances de le perdre.

Comme si je ne me sentais pas terriblement seul, depuis que je travaille à l'UFIT. Ou peut-être même avant. Tant de temps passé à travailler pour intégrer la société d'élite de ce monde. Et maintenant... des regrets. L'innocence et la gentillesse de Copper m'ont touché, je le sais. Et quelque part, le fait qu'il soit pilote et si respectueux envers moi m'a flatté. Au final, ce n'est pas de l'attachement, c'est du pur narcissisme. Absurde. Comme tout le reste.

Mon com sonne à mon poignet. Je jette un œil à l'écran et voit que le message vient de Ghan, mon chef, et qu'il a été classé en urgent. Qu'est-ce qu'il me veut encore...

Avec un soupir j'ouvre le message : convocation immédiate en salle de réunion C-216. Bon. Bon bon bon. Il y a plus qu'à aller se faire démonter la gueule pour rien, une fois de plus. J'attrape sur mon plateau ce que je peux manger en route et j'y vais.