Silver 8 : explications

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Putain de bordel de merde de...

Sous l'étreinte de Gold, je ne me débats pas, mais je ne réponds pas à son baiser non plus. Mon corps et mon esprit semblent figés. Le seul mouvement que je sens en moi est celui de mon cœur qui s'affole tandis que le sang me monte au visage.

Puis Gold me lâche et s'écarte, d'une manière un peu précipitée, comme s'il se rendait compte d'un coup que non, je n'avais pas vraiment donné mon accord, et que oui, j'allais être fâché. En tous cas, à voir sa tête, il s'attend à ce que je sois fâché. Je le serais sans doute dans quelques instants d'ailleurs, mais là il faut déjà que j'arrive à me remettre du choc.

À nouveau, la pensée de 43 me parasite. Il n'a jamais fait ça avant, il n'y a jamais eu ce genre de choses entre nous, même sous-entendues, c'est certain. Je sais que certains Gold et Silver ont déjà... été plus ou moins en couple, mais ça s'est soit mal fini, soit très mal fini, soit horriblement mal fini.

Mais avec 44, on est dépareillés, me souffle une petite voix, et ce serait possible de...

Mon cœur s'emballe encore davantage à cette pensée. Ce serait possible...

Je regarde Gold qui attend toujours que j'explose. Je ne sais même pas qui je regarde. Mon élève, mon rival, mon partenaire, mon ennemi, mon... prétendant ? Qu'est-ce que lui a en tête, au juste ? Je lui demande :

" Heu... c'était quoi, ça ?

Visiblement soulagé que je sois perdu plutôt qu'en colère, il tente un sourire d'excuse et me répond :

— Disons... une tentative ?

— Tentative de quoi, au juste ?

Cette fois, il se marre franchement :

— Tu veux vraiment me le faire dire ? Du haut de ta tour d'innocence tu ne sais pas reconnaitre un baiser ?

Je rétorque de mon ton le plus froid :

— Tentative de quoi ? Tu veux me chopper ? Me consoler ? Me baiser ? Me trimbaler devant tout le monde comme ton dernier trophée ? C'est quoi l'idée ?

À son tour il semble assez choqué. Il se frotte la nuque, l'air un peu embarrassé, et marmonne quelque chose comme :

— Je... je pensais que peut-être on...

— On quoi ?

— J'aimerai qu'on sorte ensemble ! Bon sang, c'est pas compliqué !

Je croise les bras. Le pire, c'est que je sais très bien que j'y ai pensé. Et que j'ai toujours rejeté l'idée. Parce que, comme je lui explique :

— C'est interdit. Et stupide. Et dangereux.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Que le règlement interdit les relations entre les pilotes pour d'excellentes raisons. On ne peut pas être un soutien affectif correct quand on est soi-même un pilote. Et toi et moi nous sommes un mélange particulièrement explosif. Ce genre de relation n'amènerait rien de bon. Oublie.

— Déjà, l'UFIT n'a pas besoin de le savoir. Et ensuite, toi et moi, c'est différent, non ? Tu m'aimes bien, pas vrai ?

Hélas. Je réplique :

— Silver 15 aimait beaucoup aussi Gold 15. Tellement qu'elle l'a émasculé et égorgé avant de se suicider.

Et elle lui avait mis son propre service trois pièces dans la bouche. La rumeur publique suppose qu'il l'avait trompée — surtout qu'elle s'est tuée en se transperçant le cœur. Très théâtral. Au final, on ne le saura jamais avec certitude. Mais quand on dit que la passion rend les gens instables, il faut admettre que ça ne sort pas de nulle part. Et je sais que pour ma part, je suis déjà largement assez instable comme ça, surtout dès que ça touche à Gold, qui me répète en haussant les épaules :

— Nous c'est pas pareil. On est resté des semaines sans se disputer. Même Chrome a dit qu'il n'avait jamais vu ça.

Il y a moins de dix minutes j'envisageais très sérieusement de lui labourer le crâne avec je ne sais plus quel objet contondant — un cendrier, il me semble. Ça n'a rien de rassurant non plus. Je ne supporte même pas qu'il me passe devant lors d'un combat — sang de démon, c'était ma place, mon rôle, jamais il n'aurait dû oser me faire ce coup-là.

Et à cette pensée la colère revient. De tous les moments où il aurait pu m'embrasser, toutes les fois où nous étions tous les deux penchés sur un problème, toutes les pauses que nous avons passées ensemble, tous les moments où j'avais un minimum de contrôle sur la situation, toutes les fois où j'ai pu briller, il a fallu qu'il choisisse ce moment où non seulement il m'a dominé, mais en plus je l'ai reconnu !

Je lui balance :

— Tu te sens sûrement très fier de toi, maintenant que tu m'as battu ? Tu penses que c'est bon, tu n'as plus qu'à claquer des doigts pour que je sois à tes pieds ? Bien sûr, on est dépareillés, on n'est pas égaux, on n'est plus en rivalité... Sauf que tu as bien attendu de prouver que tu es plus fort que moi avant de...

— Mais ça n'a rien à voir ! Je n'ai jamais pensé ça, c'est toi qui...

— N'empêche que c'est ce que tu as fait ! Tu joues les sauveurs et ensuite tu viens chercher ta récompense ! Tu m'as pris pour une foutue princesse ou quoi ?

Je sais qu'il s'énerve aussi. Mais au moment où il devrait gueuler, il se contente d'un sombre :

— Si tu ne veux pas de moi, tu n'as qu'à le dire, Silver. Pas la peine d'inventer des espèces de manipulations bizarres où j'essayerai de te faire faire je ne sais pas quoi. Je pense qu'on se connait assez pour savoir à quel point c'est un prétexte bidon. Et blessant.

On se toise. Je ne veux pas dire ça, dire que je n'ai pas envie de lui, parce que ce serait faux. J'ai envie de lui, envie à en mourir, envie de le jeter à terre pour qu'il soit enfin à ma hauteur, envie de lui arracher son uniforme et de le dévorer des pieds à la tête, sa bouche, ses épaules, ses mains, son torse, et de...

Mais ça ne peut pas fonctionner comme ça, avec lui qui décide de tout et se prend pour mon héros pendant que je joue les fanboys derrière. Ça me détruirait. Et il est incapable de le voir.

Il finit par me dire :

— Ok. Je suis désolé. Oublie ça."

Puis il repart. Je n'ai aucune envie de le rattraper. 

L'éternelle batailleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant