Landon 2 : normalité

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C'est étrange, ce qui nous arrive.

Je l'aime. Sincèrement. Totalement. Et je sais qu'il m'aime aussi. Il a du mal à l'exprimer, mais ses sentiments sont bien réels.

Et pourtant, nous retrouver tous les deux vivants sous le même toit, désœuvrés, nous donne l'impression d'être deux étrangers. Comme s'il fallait reprendre toute notre relation depuis le début. Ce qui, entre ma timidité et la maladresse de mon compagnon, n'a rien de simple. Bon sang, je ne sais même pas comment l'appeler ! Il est Chrome, il est un pilote, c'est ce qui le définit de la tête aux pieds, comment retenir ce "Chrome" qui menace de s'échapper de ma bouche dès que je lui parle ?

Sans oublier que nous n'avons aucune expérience du temps libre, ni lui ni moi. Seul, je l'aurais occupé à travailler sur Lilith, ou simplement à discuter avec mon IA. Avec Chrome, il faut que je m'occupe de Chrome. Et je ne rechigne pas à le faire. C'est juste que... je ne sais pas par quoi commencer. Il refuse de m'expliquer pourquoi il a été mis à la retraite aussi brusquement. Il ne veut pas me parler de quoi que ce soit lié à l'UFIT ou aux pilotes. Il ne veut pas me parler de son avenir, de notre avenir. Et il ne sait pas quoi faire de lui-même.

J'imagine que je vais devoir me montrer patient - ça je sais faire - et prendre les choses en main - et c'est là que ça se corse. Au moins trouver de quoi l'occuper, de quoi nous occuper à deux. Après tout, on a de l'argent et du temps, c'est tout un monde de loisirs qui s'offrent à nous, non ? Au moins de quoi se distraire et lui changer les idées, éviter qu'il reste dans son coin à broyer du noir le temps d'arriver à se remettre. Même si ça semble très puéril, après un bouleversement de toute sa vie, de le pousser à... je ne sais pas quoi lui proposer. Voir un film, lire un livre, voyager, danser, apprendre le tricot ou l'art floral japonais, rien de ce qui me vient à l'idée ne me semble adapté à son caractère. Chrome est un pilote, sa vie est dévouée au pilotage, le reste n'est que fioritures à ses yeux. Du moins c'est ce dont j'ai l'impression. Il faut bien que je teste :

« Hum... mon chéri ?

Je n'ai jamais été très adepte des petits noms, jusqu'à maintenant. Je ne suis même pas sûr qu'il réagisse à son prénom. Pour l'instant, il relève lentement la tête vers moi, et me répond d'une voix hésitante :

— Heu... oui ?

— Dis-moi, je vois bien que tu t'ennuie, et je me demandais si tu... si ça ne t'intéresserait pas de... faire... quelque chose ?

— Non.

Ok, au moins ça c'est posé. J'insiste :

— Mais tu ne peux pas rester là sans bouger jusqu'à... enfin, tu as déjà passé la journée comme ça. Tu ne regardes même pas la télé ou... Enfin, tu sais que si tu veux qu'on parle, je suis là, mais si tu ne veux pas... s'il te plait, ne reste pas comme ça, sans... sans rien faire...

Il soupire :

— Désolé. Je ne voulais pas t'inquiéter.

— Ne sois pas désolé ! J'essaye juste de... enfin, je pense que ça te ferait du bien. Je ne sais pas à quoi tu penses, et je comprends que tu n'ai pas envie de m'en parler, enfin, si tu es prêt c'est super, si tu n'es pas prêt je vais attendre, ne t'en fais pas pour moi ! Mais vraiment, ça te ferait du bien.

Je n'ajoute pas que ça me ferait du bien aussi, puisque j'ai passé ma journée à tourner en rond et à le surveiller en m'inquiétant. Ce n'est pas à lui de veiller sur moi, c'est à moi de veiller sur lui, et jusqu'ici je m'y prend atrocement mal.

Il faut que je lui propose quelque chose de plus concret. De plus familier peut-être ? Je finis par lancer :

— Aller viens, je t'emmène au restaurant, il faut qu'on prenne un peu l'air !

L'éternelle batailleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant