Felis 5 : négociations

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Pour la suite des évènements, Tonton a vérifié que je pouvais sortir sans soucis. D'après ses contacts policiers, je ne suis pas une cible de recherche active, ils sont juste censés me signaler s'ils me tombent dessus par hasard. Me courir après serait une perte d'énergie trop grande pour ce qu'on me reproche. C'est l'avantage d'être quelqu'un de produit en série : mon ADN est identique à celle de milliers d'autres qui ont été créés dans le même but que moi. Le soir où je me suis enfuis, la police et l'UFIT ont sans doute arrêté tous ceux de mes frères qu'ils ont pu dénicher, et j'espère qu'ils ont tous pu se tirer d'affaire depuis. En attendant, je n'ai plus qu'à utiliser ma fausse carte d'identité pour me déplacer.

Enfin, ça c'est la théorie, mais en pratique je ne fais pas le fier en repointant mon nez dans la rue. Je me répète que plus personne ne s'intéresse à moi, que même si on m'arrête on ne peut pas prouver que je suis Felis Hanae, et pas n'importe quel autre petit Hanae - puisqu'on nous a tous baptisés, suivant la tradition des enfants trouvés, du nom de la ville où on a été adoptés. Et avec un prénom qui a sans doute été sorti du premier bouquin qu'ils avaient sous la main. Je veux dire, bordel, Felis. Je suis asiatique, et on m'a donné un nom latin. Cherchez l'erreur.

Oui, j'ai pris quelques pilules pour me calmer. Et je n'ai pas vraiment amélioré ma recette. Là, j'en avais besoin, et tant pis pour ma concentration, j'en avais vraiment, vraiment besoin.

Dan, le mec de Tonton, m'a donné un flingue. Je ne sais pas m'en servir, mais ce n'est pas important, je compte menacer des gens avec, pas tirer. Je lui ai même demandé d'enlever les balles, au cas où ma cible arriverait à me le prendre. Je suis quand même mort de trouille. Lui était mort de rire. On ne s'entend pas très bien, tous les deux, moi je lui reproche d'avoir lancé Tonton dans cette stupide croisade du Soleil Noir, lui me reproche de ne pas réellement aider l'organisation. J'étais sûr que Tonton n'allait pas lui parler de ce qu'on tentait, après tout je vais utiliser pour mon propre usage des informations que j'étais censé remettre au Soleil Noir, Dan n'allait pas apprécier. Et pourtant, dès que Tonton lui a demandé, il est venu nous aider. Comme quoi il ne faut jamais désespérer de l'être humain.

Je tente de concentrer mes pensées. D'oublier Dan. Il a fait son boulot, normalement, et me couvre un peu plus loin en cas de problème. Là, il faut que je reste sur l'instant présent. Le pistolet, dans ma poche, qui se réchauffe peu à peu au contact de ma main. La rue qui devient de plus en plus sombre à mesure que tombe la nuit. Des passants, avec leur propre lumière, ou pas du tout, qui se faufilent comme des chats parmi les ombres. Il faut que ce soit moi qui le fasse, peu importe qu'on voit mon visage, je suis déjà grillé. J'attaque, j'interroge, je disparais. Tout va bien se passer.

C'est Chayan Tamadran que j'attends ici. Un simple opérateur, mais d'après Brass il est au courant de tout ce qui se passe chez les pilotes, grâce à Copper. C'est le moment de voir si les bavardages de mon rouquin étaient aussi vrais qu'ils en avaient l'air.

Il avance avec sa propre lumière, un discret halo bleuté qui lui sert surtout à voir où il met les pieds. Ça suffit à ce que je sois sûr que c'est lui, encore une fois grâce à Brass qui m'avait montré une photo. Il n'en revenait pas que ce type sorte avec Copper. On avait plaisanté sur l'attrait de l'uniforme... Peu importe, c'est lui, sans aucun doute, et c'est maintenant qu'il faut que je fonce. Je m'avance et lui barre le passage, lui mettant le pistolet entre les côtes avant qu'il ait le temps de me reconnaitre. Je lui désigne la camionnette blanche qui nous attend et lui ordonne d'y grimper.

Il hésite, pendant deux interminables secondes, et je suis à deux doigts d'appeler Dan au secours quand enfin il se décide et monte. Je le suis et frappe deux fois au fond, pour que Tonton sache qu'il peut démarrer. Bien. Je me suis volontairement enfermé avec un opérateur des services secrets de l'UFIT qui est assez baraqué pour me casser le cou d'une seule main, mais après tout c'est moi qui ait le flingue, donc tout devrait bien se passer. Lui a l'air furieux, mais surtout perplexe quand il me reconnait, et il me demande carrément :

L'éternelle batailleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant