Chayan 6 : la fête

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J'ai sorti mes plus beaux vêtements. Pas les plus chers, car ça ne se verrait même pas face aux tenues des autres invités, mais ceux qui me mettent le plus en valeur. J'ai fait attention à me coiffer aussi d'une manière avantageuse. Je ne suis pas de leur monde, je ne suis pas assez riche ni assez puissant, mais au moins je sais que je suis aussi séduisant que n'importe lequel d'entre eux. Et il est hors de question que Copper ait honte de moi.

Ascenseur après ascenseur, couloir après couloir, la montée jusqu'au penthouse où aura lieu la fête est labyrinthique. On sent que l'architecte n'avait pas prévu l'utilité d'établir un trajet simple entre les dortoirs et les appartements du sommet.

Je tente de rester impassible alors qu'à chaque porte j'ai peur que le pass cesse de fonctionner et que les agents de sécurité me jettent dehors. Et plus l'architecture change autour de moi, plus les couloirs deviennent aérés, les peintures impeccables, la décoration soignée, et plus je me sens nerveux et pas à ma place. En haut, on a des tableaux aux murs, de la moquette et des plantes vertes. Sérieusement, qu'est-ce que je fous là ? Je n'ai encore rencontré personne de la haute société, et pourtant j'ai déjà l'impression de faire tache, comme si on allait retrouver des traces de saleté partout où j'ai marché ou sur tout ce que j'ai touché.

Maintenant, ça suffit Chayan, on se concentre. Respire un grand coup et ne te laisse pas intimider. Tu as parfaitement le droit d'être là. Tu n'es certainement pas plus stupide que n'importe lequel des parasites que tu vas croiser. Et tu as décidé de faire honneur à Copper. Alors garde la tête haute et arrête d'essuyer tes mains moites sur ton pantalon parce que ça ne fait pas classe du tout.

Lorsque j'atteins enfin mon but, j'ai l'impression que mes entrailles sont liquéfiées, mais j'arrive à sourire. Un type me fait entrer dans l'appartement et je me retrouve brusquement dans l'arène aux lions — si on considère que les lions écoutent de la musique branchée, ont une peau parfaite et des dents qui pourraient éclairer la nuit. Au moins, tout le monde m'ignore, tandis que celui qui m'a fait entrer me dit d'attendre ici que Copper arrive. Je suppose qu'il travaille ici. Je vois passer pas mal de gens qui font le service, habillés de manière plus classe que je ne pourrais jamais me le permettre. Heureusement qu'ils ont des plateaux, sinon je ne vois pas comment on pourrait les distinguer des invités.

Ne pas oublier de respirer.

Heureusement, Copper arrive. Il est... étonnamment à la mode. Enfin, je pensais bien que Lindsay ou quelqu'un d'autre veillait sur sa garde-robe pendant ce genre d'occasion, mais je n'aurais pas cru qu'il adopterait quelque chose d'aussi voyant. Même ses boucles ont disparues, on lui a lissé et hérissé les cheveux. Il ressemble à... Bon sang, il ressemble à un mauvais clone de Tom Hallan. Ce qui est assez perturbant, puisque Tom Hallan est censé lui ressembler.

Il m'accueille gentiment, presque distraitement, et je cache ma déception. Ce n'est pas le moment d'être proches, c'est tout. Immédiatement, il me guide vers le buffet, installé juste devant la plus extraordinaire vue que j'ai jamais contemplé. Et même si le buffet est sans doute lui aussi le plus extraordinaire que j'ai jamais contemplé, les mets qui le composent sont beaucoup trop inidentifiables pour soutenir la comparaison. Je suis carrément bouche bée devant la ville qui s'étale sous mes yeux.

Copper m'observe et commente, amusé :

« Ça te plait ?

J'avoue sans aucune gêne :

— C'est beau à en mourir.

— Je suis content que ça te plaise. On ira faire un tour sur la terrasse tout à l'heure, si tu veux. Pour l'instant, mange quelque chose.

L'éternelle batailleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant