Chrome 5 : Lilith

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L'appartement de Landon lui ressemble : à la mode, lisse, sans la moindre trace de sa personnalité. La pièce dans laquelle il m'emmène, accolée à sa chambre, est déjà plus vivante. Pleine de matériel informatique, avec au fond un matelas posé à même le sol et de quoi faire du café, tout a été mis en place autour du grand fauteuil central, et on sent que toute l'organisation des lieux a été pensée autour d'une personne bien précise, aux habitudes profondément ancrées. Un cocon. Presque un cockpit.

Un peu troublé maintenant qu'il ne peut plus revenir en arrière, Landon pousse son fauteuil pour que nous puissions tenir à deux devant les écrans, et allume toutes les machines d'un simple : « Bonjour, Lilith.

Une voix féminine lui répond :

— Bonjour Landon. Je vois que tu es accompagné ?

— Lilith, je te présente Chrome. Chrome, voici Lilith, l'IA que j'ai fabriquée.

Une intelligence artificielle... Un programme capable de résoudre des problèmes, à la base. Mais de nos jours, elles sont capable de bien plus, servant pour les plus perfectionnées à compléter la pensée humaine grâce à leurs capacités de tri et d'analyse des connaissances, parfois même leurs talents de création de nouvelles idées. Jamais je n'aurais cru qu'un amateur puisse en mettre une au point.

Curieux de voir ses capacités sociales et linguistiques, je la salue d'un :

— Bonjour Lilith. Ravi de te rencontrer.

— Tout le plaisir est pour moi. J'ai rarement l'occasion de faire de nouvelles connaissances.

— Que sais-tu faire ?

— Parler avec des humains et les comprendre, pour ensuite les aider à programmer efficacement. J'ai bien peur que l'essentiel de mes capacités ne soit tourné vers ma propre conception et mon amélioration perpétuelle.

— En tous cas, tu as d'excellentes manières. Une vraie lady.

— Je te remercie. Le mérite en revient à mon créateur.

À ses coté, le créateur en question me sourit, très fier. Et il le peut. Les IA sont rares et très règlementées. À l'UFIT, nos stratèges ont accès à la pointe de l'informatique en matière d'IA — au point que certains estiment même que ce sont elles qui déterminent nos plans plutôt que les stratèges en question. Les IA de nos propres mechas sont bien plus rudimentaires. Et je doute que même les IA stratégiques les plus haut de gamme soient dotées d'un tel talent pour la conversation. Il est vrai que Landon peut se permettre de consacrer les capacités de son IA au langage et à la programmation, puisqu'il ne peut pas l'utiliser pour effectuer un travail officiel.

Je repense à notre conversation au restaurant, la manière dont il m'a immédiatement cru quand je lui ai parlé des sentiments de Chrome. L'IA de mon mecha ne parle pas, elle est tout entière dédiée aux réflexes de Chrome, à adapter son corps aux dangers de la bataille. Elle est très attentive à la fois à son fonctionnement interne, aux menaces externes et à mon propre fonctionnement, afin que j'active le plus efficacement possible toutes les modalités de Chrome. Ainsi, mon mecha apprend de ses expériences, à travers tous les pilotes de son histoire, et est devenu optimal. En voyant Lilith, je me demande si j'aurai aimé que Chrome puisse me parler aussi directement qu'elle. Ou peut-être que j'aurais alors été moins attentif à son bien-être, qui sait ? Il m'a fallut beaucoup de temps et de persévérance pour décrypter son ressenti à partir des vibrations de son cœur de quartan. L'aurais-je fais s'il m'avait parlé ?

Je demande à l'IA :

— Dis-moi Lilith, tout à l'heure Landon et moi parlions des sentiments des mechas. Et toi, qu'est-ce que tu en penses ?

L'éternelle batailleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant