Brass 12 : décision

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« Hey, Alessandro !

Lorsque je l'ai vu, je me suis agrippé à lui comme un futur noyé à sa bouée. Il s'en fout. Je ne l'ai jamais vu aussi heureux. En y regardant de plus près, il plane complètement.

Je l'envie. Pourquoi j'ai choisi le seul métier du monde où on est censé rester sobres, déjà ?

Je continue à tirer sur son bras, histoire d'attirer son attention, et il finit par se pencher vers moi et crier par-dessus la musique :

- Alors, tu l'as trouvé ?

- Non ! Et toi, tu l'as trouvé ?

- Oui, je viens de le voir, je lui ai dit que tu le cherchais ! Mais je savais pas où t'étais, alors...

- Oui, oui, désolé. Je vais...

- Tu sais quoi ? On en parlait, de ton petit chinois, avec Machine, là.

La dame qui lui fait face ne semble pas offensée qu'il n'ait pas retenu son nom. Elle est canon. Hypertravaillée. Sans doute une ancienne mannequin. Elle me dit :

- Oui, je pensais que c'était un prostitué. A cause de son visage.

C'est assez crade et j'essaye de me tirer, mais avant de m'évader il faut que j'arrive à me dépêtrer du bras collant d'Alessandro, et je marque mon intérêt le plus neutre d'un "mhm" qui n'engage à rien. Elle continue :

- Tu sais, c'est une modification génétique. A une époque, ils en ont fait toute une série, des comme ça... des centaines, peut-être même des milliers. Sauf que l'UFIT a démonté le réseau et a récupéré les gosses avant qu'ils ne soient mis au boulot, heureusement. Enfin, heureusement pour eux, surtout. Sauf que personne ne savait quoi en faire. Et en sortant des orphelinats de l'UFIT... il y en a beaucoup qui ont vraiment fait le trottoir.

Je me fige, complètement glacé, pendant qu'Alessandro ricane :

- Celui-là a fini dealer, c'est pas mieux.

Puis il me donne une grande claque dans le dos et ajoute :

- En tous cas, fais comme je t'ai dit, offre-lui des trucs ! En plus il a ça dans le sang, c'est parfait non ? »

Il rit. Ils rient tous les deux. La femme qui a raconté l'anecdote comme une bonne histoire à placer pour se faire mousser, l'homme qui gagne sa vie en vendant du vent sur des pilotes imaginaires, ils ne comprennent pas, ne comprennent vraiment pas, que c'est grave ce qui se passe, ce qu'ils racontent, que tout ça n'est pas un jeu, et qu'ils m'ont donné la clé, enfin, au tout dernier moment, la clé pour comprendre Liang Nian.


Je le retrouve. Ses longs cheveux noirs sont tressés, comme toujours, et pour la première fois je me demande s'ils ne sont pas faux comme le reste. Je l'appelle tout doucement :

"Nian ?

Il se retourne et me sourit. Son masque est minuscule, un simple loup qui encadre ses yeux, et au lieu de la cacher ça ne fait que ressortir encore plus sa beauté. Une beauté fatale, j'aurais dû me douter dès le début qu'il était dangereux. Une beauté artificielle, soigneusement calculée pour provoquer exactement ce qu'elle provoque chez moi, sans qu'il y ait quoi que ce soit venant réellement de lui.

Mais je l'aime. Je n'y peux rien, encore à présent, je l'aime à la folie, et quand il me reconnait et me sourit, du sourire que je préfère, celui qui est doux et chaleureux, auquel j'ai droit de temps en temps, quand j'arrive surtout, et d'autres fois je ne sais pas pourquoi, je dis quelque chose qui lui plait et il me l'offre, comme une récompense, ce sourire plus beau que tout ce qui peux exister sur cette terre, qu'est-ce que je peux faire à part tomber encore et encore amoureux de lui ?

L'éternelle batailleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant