Silver 9 : Esquives

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Gold. L'espèce de soleil autour duquel toute ma vie tourne. Après avoir rêvé de l'assassiner pendant si longtemps, il est mort tout seul comme le crétin fanfaron qu'il a toujours été. Et il a eut un remplaçant. Qui a décidé de me rendre dingue.

Je ne me suis jamais beaucoup mêlé aux autres et personne ne s'étonne que je reste le plus possible chez moi. Je reste neutre. Gold est amical, d'une certaine manière. Il me parle. Il ne me regarde pas beaucoup. Il ne me taquine plus du tout. Il ne me demande plus rien.

Bah. C'est normal. Il m'a dépassé, je n'ai plus rien à lui apprendre. Je n'arrive même plus précisément à me rappeler ce que je lui ai dit, ce fameux soir, à part que ce n'était pas très gentil. J'ai toujours eu l'art de foutre en l'air toutes mes relations. Je les ai explosées de l'intérieur. Et je peux bien regretter aujourd'hui, où je n'ai personne auprès de qui m'épancher. Rien n'est réparable.

J'y repense, à sa proposition. J'y repense bien plus que je n'aurais voulu. Mais ça reste une très mauvaise idée. Et après lui avoir craché toute ma colère à la gueule, c'est évident qu'elle ne tient plus.


Nous partageons le même cours d'arts martiaux et je ne peux pas m'empêcher de le regarder. Encore. Il est fort, évidemment, il a des bras de la taille de mes cuisses et je suis certain qu'il m'écraserait au bras de fer, mais j'ai encore assez de technique et de vivacité pour le battre. Du moins c'était le cas la dernière fois qu'on a essayé. On ne s'est plus affrontés depuis la dispute. Il travaille sa stabilité, c'est là qu'il a encore le plus de mal, et c'est Iron qui tente de le mettre au sol. Aucune chance. L'entraineur a bien vu le problème, puisqu'il demande à Chrome de venir faire l'exercice avec lui. Et là, je ne suis plus seul à regarder, ce qui me permet de me rapprocher au lieu de faire semblant d'observer autre chose pour l'avoir au coin de l'œil.

Il faut dire qu'un combat Gold-Chrome, c'est toujours un beau spectacle. Chrome est mince et tout en nerf, avec une détente d'une rapidité incroyable. S'il parvenait à passer sa garde, Gold pourrait le briser en deux comme une brindille. Mais il n'y parviendra pas. Au contraire, c'est Chrome qui le harcèle de coups vifs, partout, tentant de lui faire baisser suffisamment sa vigilance pour se rapprocher et le faire tomber. Autour de nous, les pilotes crient des encouragements et parient sur leur favori - à ce stade, on considère que si Gold arrive à rester debout, c'est une victoire - tandis que les entraineurs font ceux qui ne s'aperçoivent de rien.

Les exercices servent aussi aux pilotes pour se défouler et régler certains conflits avec leurs poings, d'une manière plus ou moins encadrée. Avec Gold 43, on avait été rigoureusement interdits de combat commun après avoir un peu trop dépassé les bornes. D'ailleurs, l'idée qu'il en a gardé une cicatrice mal placée m'a toujours réconforté dans les moments un peu moroses. Rien de ce genre entre 44 et Chrome, tous les deux aussi concentrés qu'à l'ordinaire.

Je dois admettre que voir Gold combattre est toujours un spectacle à couper le souffle. Autant il peut parfois paraitre maladroit au quotidien, trop grand, trop fort, et occupant tout l'espace, autant il est évident qu'il est une machine de guerre parfaite dès qu'il se met en garde. Ses parades, ses attaques sont aussi fluides et gracieuses que celles de son mecha. Et lorsqu'il encaisse, il semble aussi indestructible qu'un pilier de pierre. Quand il déploie les muscles de son épaule pour allonger un coup, on dirait un dieu vengeur venu abattre la justice céleste sur ce monde. Il ne retient pas sa force face à Chrome, confiant dans la capacité d'esquive de son chef, alors que nous savons tous qu'il pourrait le tuer net si ses coups touchaient au mauvais endroit.

Je ne dis rien. Je devrais encourager Chrome, qui m'a aidé à rester en place, surtout maintenant que Gold et moi sommes en froid. En réalité je regarde à peine le grand albinos, dont la technique parfaite aurait pourtant beaucoup à m'apprendre. Je n'ai d'yeux que pour Gold, la sueur qui coule sur son visage, sa bouche déterminée, la flamme démesurée de son regard. Il s'amuse, sans aucun doute, il est face à un défi à sa mesure et il s'amuse comme un fou de donner tout ce qu'il a. Je suis jaloux de ce regard, de cette flamme. Et je donnerais tout pour qu'il tourne la tête vers moi, qu'il se concentre à nouveau sur moi, que je sois au centre de son univers comme il reste, toujours et quoi qu'il arrive, au centre du mien.

L'éternelle batailleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant