Brass 8 : dérapage

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« Alors ? T'en penses quoi ?

J'ai enfin revu Nian, au bout d'un temps assez raisonnable pour qu'il pense que j'ai vraiment pris ce qu'il m'a vendu et que je viens juste me réapprovisionner. En supposant que j'en ai offert à tout l'escadron, mais en même temps ça n'a rien d'impossible. Et puis Nian est un dealer. Je ne vois pas pourquoi ça le dérangerai de vendre plus.

Et j'en ai profité pour lui mettre sous le nez un magazine avec ma photo, une qui me met vraiment bien en valeur je trouve. Genre un vrai combattant. Je ne suis pas un type gracieux, mais au moins j'ai du muscle, et Alessandro - le photographe qui m'a adopté comme égérie - a bien su le mettre en scène.

Mon bien-aimé prend son temps pour examiner la photo, ses longs cils bougent à peine et les adorables lignes de son visage sont parfaitement inexpressives. Moi, j'ai le cœur qui bat à toute allure. J'ai tout misé sur cette stratégie, ça avait l'air d'être une bonne occasion, mais je n'ai pas de plan B. En même temps, est-ce que j'ai déjà eu un plan B de toute ma vie ? Est-ce que ça existe vraiment, des gens qui se lancent dans un plan A en ayant un plan B en tête, ou est-ce qu'ils improvisent comme tout le monde, en étant simplement très rapides ?

Enfin il me regarde et me sourit. Je meurs un peu intérieurement, le temps qu'il réponde :

— Intéressant.

Et... ? Tu peux développer, là ? J'insiste :

— Mais comment tu me trouves ?

— Le photographe a bien su te mettre en valeur. On dirait même qu'il est tombé sous ton charme.

Je pourrais protester, mais après tout c'est l'occasion de lui montrer que j'ai du succès, et peut-être même le rendre un peu jaloux. Même si Alessandro est bien plus fasciné par les photos qu'il a prit de moi que par moi, et à mon grand soulagement, n'a jamais tenté de me toucher. J'étais peut-être un peu parano. En tous cas, il m'a donné de quoi me vanter auprès de mon ange, alors j'enchaine :

— C'est pas totalement faux. Alessandro a dit que j'étais un diamant brut. C'est lui qui s'occupe de toutes mes photos maintenant, et Ramón est super content, on m'a signé des tonnes de contrats. J'ai une cote d'enfer en ce moment !

Je guette la moindre réaction sur son visage, mais évidemment comme d'habitude cette poker face de l'enfer n'a apparemment rien à secouer de mes hordes d'admirateurs imaginaires. Pas si imaginaires que ça, d'ailleurs, j'ai vraiment élargi la fanbase des Brass, mais bon, ce sont des fans. Ce ne sont que des chiffres, une foule. On ne peut pas vraiment les connaitre un par un, et ils finissent par former une espèce d'entité à part, impalpable et floue, une gigantesque créature à envoyer de l'amour. Et moi, je continue à courir après les micro-expressions d'un type qui s'amuse à me faire tourner en bourrique. L'amour n'a pas de sens.

Il m'examine soigneusement, d'abord sur le papier, puis en personne, et évidemment mon cœur bat la chamade. Surtout quand il commence à me caresser la joue. Non, il ne la caresse pas, il se contente de poser la main sur ma joue, et même si je suis très content pour le contact, j'avoue qu'il me laisse assez perplexe. Enfin, ce n'est pas comme si c'était la première fois que le comportement de Nian me laisse perplexe.

Il me demande :

— Et ça te plait, d'être comme ça ?

— Comment ça ?

— Tu as été créé pour avoir cette apparence physique, non ?

— Oui... enfin, j'ai été modifié pour ça...

Pitié, ne me dis pas que tu détestes les roux, parce que là, je ne vais vraiment pas pouvoir rattraper le coup. Tandis qu'il enlève sa main et revient sur la photo, je lui demande timidement :

L'éternelle batailleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant