L'éternelle bataille

Brass 10 : conseils

Depuis mon pétage de câble, je suis surveillé à mort, donc plus de balades, plus de Nian. Je continue à participer aux exercices, mais plus de vraie mission. Les CinqGen n'ont pas encore permis de retrouver Geoffroy Lloyd, mais ils ont clairement repris les choses en main. Gold et Silver sont toujours sollicité, avec parfois Copper et Steel, et les autres mechas restent en retrait. Même Chrome ne participe quasiment plus - Silver et moi estimons que c'est parce que Platty a peur de montrer qu'il n'est pas à la hauteur du meilleur chef d'escadron qu'on ait jamais eu, mais Chrome lui-même pense que c'est seulement une question de formation qui ne nécessite plus son mecha. Il travaille d'ailleurs d'arrache-pied à une nouvelle formation à soumettre aux stratèges, qui incluerait bien davantage des anciennes générations. Je n'y crois pas vraiment, mais je fais de mon mieux pour l'y aider. Au moins ça m'occupe. Et c'est sans doute la dernière personne de cette foutue Tour qui n'a pas l'air de penser que je suis drogué jusqu'aux yeux.

Au moins le jugement est passé sans problème : j'étais aussi clean qu'un petit chaton de six semaines, et sans doute aussi mignon. J'ai tout mis sur le dos du manque de sensibilité de Platinum, et expliqué que je voulais juste faire un câlin consolateur à mon Brass adoré. Alessandro a juré que j'étais un petit agneau aussi innocent qu'extrêmement rentable. Il n'y a pas eu de conséquences. Je ne sais même pas s'ils ont tapé sur les doigts de Platty : après tout il est jeune, il débute... Chrome est chargé de le former, une grande première, vu que les chefs d'escadrons se sont toujours débrouillés seuls. Il faut dire que sur le papier, c'est un poste plutôt fantoche, c'est vraiment la rigueur de Chrome qui en a fait un pilier important pour les pilotes. Je peux comprendre que venant juste après, Platinum galère.

Sauf que maintenant, tout ce qu'il me reste pour m'occuper, ce sont les séances photos. Beurk. J'en ai marre, marre de faire semblant d'être de bonne humeur, marre de sourire à des projecteurs qui m'aveuglent, marre qu'on me manipule et qu'on m'habille comme une poupée, marre d'être leur gentil petit jouet, marre, marre, marre...

Mon ange n'en a rien à foutre. Je serais mieux auprès de mon mecha, même si c'est juste pour dormir sur son épaule, comme Chrome. Il parait que je ne suis pas pilote depuis assez longtemps pour être accro à ma machine comme ça. Mais le Brass a connu 136 pilotes avant moi, il a de la personnalité. Les autres ne peuvent pas comprendre.

Je suis interrompu dans mes ruminations moroses par mon photographe glauque préféré, qui n'est pas très satisfait de mes performances :

« Bordel, Brass ! Qu'est-ce qui t'arrives ? Tu es devenu débile après ton coup sur le crâne ? Déjà qu'il faut être con comme la mort pour arriver à s'assommer dans un couloir, tu peux me dire ce qui peut bien se passer dans ta tête ? Merde ! Jamais je n'ai laissé un modèle me faire une merde pareille, et je ne vais pas commencer avec toi, compris ? Alors on recommence, tu te tournes par là et tu souris !

Je me tourne dans la direction indiquée comme si j'avais le fardeau d'Atlas sur les épaules et je grimace un rictus épuisé. Alessandro s'arrache les cheveux. Il s'arrache littéralement les cheveux. Je n'avais encore jamais vu quelqu'un faire ça en vrai, c'est presque drôle. Et ça doit se voir, puisqu'il se jette sur moi, m'agrippe au col, me hisse sur la pointe des pieds pour mieux me postillonner au visage :

- Et en plus tu te fous de ma gueule, sale...»

Je ne comprends rien à la suite d'injures en italien qu'il enchaine derrière avec un débit impressionnant. Ramón arrive et l'engueule à son tour, et je les laisse à leurs petites délibérations. Moi, aujourd'hui, j'en ai marre de tout, alors qu'ils aillent se faire foutre, je vais me coucher. Sur le Brass. De toutes façons il n'y a que lui qui m'aime et qui me comprend sur cette putain de planète.