Imagines Marvel

Erik Lehnsherr - "For ever"

Erik Lehnsherr :

Cela faisait presque 25 ans, et pourtant, tu en cauchemardais encore aujourd'hui. Tu étais une survivante de ce qu'on appelle chaleureusement « les camps de la mort ». Juive de confession et de famille, tu avais subi la rafle en 1943. Mais le cauchemar n'avait pas commencé là : vivant en Allemagne depuis ta naissance, toi et ta famille aviez toujours été relativement bien intégrés, tout du moins jusqu'à l'année noire de 1933. Tu n'avais que 6 ans à l'époque, mais tu avais tout de suite senti le changement dans cette société allemande que tu considérais comme la tienne.

Ce fut d'abord assez subtil les premières années : des restrictions dans le droit religieux, notamment pour les juifs, une propagande assez omniprésente... Mais cela empira après. La propagande nazie, et surtout anti-juive, envahit toutes les sphères de la société, y compris l'école. Tu vis tes camarades changer d'attitude, tes professeurs te punir pour aucune raison, tes notes dégringoler inexplicablement.

Puis était venu la fameuse « Nuit de Cristal ». Tes parents tenaient une petite épicerie dans un quartier de Leipzig, elle fut caillassée et saccagée. Dans votre quartier, votre voisine y perdit sa fille, assassinée lorsqu'elle revenait de chez une amie, son père se suicida peu après, voulant éviter à tout prix la déportation.

Encore pleins d'espoirs, tes parents crurent comme beaucoup que cela allait se calmer. C'est pour ça que vous n'étiez pas partis tout de suite. Mais les difficultés des conditions de vie de votre communauté religieuse allèrent grandissantes, tellement qu'il devint presque impossible de s'exiler dans un pays étranger. Mais après 4 ans à se cacher continuellement, dans des caves, hangars ou appartements vides, vous n'en pouviez plus de vivre ainsi.

Ta famille comprit qu'elle devait fuir à tout prix si elle souhaitait avoir une chance de vivre réellement. Vous aviez alors fait vos bagages en hâte, de toute façon vous viviez avec le strict minimum pour pouvoir s'échapper le plus vite possible au besoin. Du haut de tes 12 ans, tes parents ne pouvaient évidemment pas t'expliquer en détail ce qu'il se passait. Mais tu ressentais la peur, l'ombre de la mort qui planait au-dessus de vos têtes comme une épée de Damoclès, alors tu ne posas pas plus de questions et tentas de les aider comme tu pouvais.

Leipzig étant située dans le centre-est de l'Allemagne, le pays le plus près à rejoindre était la République Tchèque, c'est donc sur cette nation que se porta tous vos espoirs. Vous partîtes de nuit, accompagnés de deux autres familles.

Tu t'étais retournée en quittant Leipzig, admirant pour la dernière fois les lueurs de ta ville de naissance que tu avais tant aimé.

Du périple, tu te souvenais du froid, de l'obscurité, et de la fatigue de devoir marcher autant. Mais tu n'étais pas du genre à te plaindre, et tu savais tes parents déjà assez préoccupés pour en rajouter en te plaignant. Tu n'avais alors rien dit, te contentant de souffrir en silence.

Mais il fallait croire que la chance n'était pas de votre côté. Une patrouille de SS vous tomba dessus en pleine forêt, vous menaçant et vous tenant en joue sans se soucier de votre jeune âge. Vous fûtes traînés jusqu'à des camions garés en bordure de la forêt. Ils vous balancèrent à l'intérieur comme si vous n'étiez que des poupées de chiffons, puis refermèrent les portes, laissant l'obscurité régner en maître.

Tu sanglotais contre ta mère, agrippant de tes mains d'enfant son vêtement usé par les lavages répétés et par le temps. Ton père vous serrait contre lui, tentant de vous rassurer même s'il était lui-même terrorisé. Tu te rappelais lui avoir demandé ce qui allait se passer.

Et le regard qu'il t'avait lancé à cet instant précis, tu t'en souviendrais jusque sur ton lit de mort, malgré l'obscurité environnante. Ton père, cet homme originellement si fort, si peu enclin à montrer ses émotions, avait eu cette nuit-là un regard de vulnérabilité, dominé par l'effroi et la terreur.