Chapitre 45

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Lynn

    Il est treize heures quand j'arrive enfin à ma destination. Je gare ma voiture dans la cour parsemée de cailloux ornée de pelouse fraîchement verte autour d'elle. Je reste assise dans ma voiture quelques minutes en regardant le manoir dans lequel mes parents vivent. J'ai tellement de souvenirs ici. Des bons et des mauvais. Ma mère n'est pas là alors je sors de la voiture, prends ma valise et me dirige vers la porte d'entrée. Ma mère reviendra sûrement en fin d'après-midi, en rentrant de l'hôpital pour rendre visite à mon père. Fleur, la gouvernante de la maison, m'ouvre la porte.

« Bonjour, mademoiselle. »

    Je lui souris pour la saluer en retour. Quand j'étais petite, Fleur commençait à travailler pour mes parents. Elle s'occupait de l'ordre dans la maison. Elle s'assurait que mon éducation se passe bien, que la maison ne soit pas en bazar et s'assurer que le dîner soit toujours prêt lorsque mon père rentrait du travail.

« Je pose vos affaires dans votre chambre ?

— Dans mon ancienne chambre, vous voulez dire. Ne vous en faites pas, je vais le faire moi-même. »

    Elle me sourit en lissant le tissu de son uniforme. Je grimpe le grand escalier se dressant devant moi pour atteindre ma chambre et y dépose mes affaires. Quand je m'assois dans le lit, qui fut autrefois le mien, un poids se forme dans ma gorge. Les murs sont toujours d'un beau blanc éclatant. Les fenêtres laissent la vue sur la cour toujours bien entretenue. Quand j'étais petite, je pensais que notre pelouse n'avait pas de fin vu d'ici. Les meubles d'un bois sombre n'ont pas bougé de place, même les objets plus simples soient-ils, n'ont pas changé de place. Cette chambre est cependant froide. Elle est bien isolée mais elle n'a rien de chaleureuse. Il n'y a pas de photo d'un événement marquant pour lequel je devrais ressentir une quelconque fierté. Il n'y a pas de cadeaux particuliers offerts lors de ma naissance ni même d'un objet attendrissant. C'est une chambre on ne peut plus formelle.
    Je me débarrasse de mon manteau, de mes gants, mon écharpe et mon bonnet. Après cela, je descends pour rejoindre la cuisine pour grignoter quelques choses avant de partir voir mon père à l'hôpital.

« Mademoiselle, je vous ai préparé quelque chose de rapide. »

    Elle me désigne une chaise dans la salle à manger. Une assiette présentée devant cette chaise simple m'attire. Je m'assieds et je remarque la distance que les années ont creusée entre elle et moi. Avant elle m'appelait juste Lynn, ma mère la forçait à tous nous vouvoyer mais ayant six ans lorsqu'elle est arrivée ici, je m'en fichais un peu. Lorsque nous étions seules, nous nous tutoyons et maintenant, le monde des adultes nous force à reprendre des formules de politesses inutiles à mon goût. Cependant, c'est de ma faute, je suis partie comme une voleuse de cette maison.

« Je vous remercie mais pouvez-vous m'appelez juste Lynn.

— Bien sûr. Je suis contente de vous revoir. Comment est votre nouvelle vie ? Avez-vous réussi à réaliser vos rêves ?

— Oh non, bien loin de là. »

    Un rire pathétique m'échappe. En revenant en arrière, j'avais tout ici et mes parents s'étaient assurés de tout m'offrir. J'étais très certainement trop stupide. En partant d'ici, à défaut de l'interdiction formelle de mon père pour faire ce que je voulais, je suis entrée dans le monde cruel des adultes. Je ne savais pas à quoi je m'exposais parce que mes parents m'avaient protégé de ça. Je suis partie sans rien dire en pleine nuit. J'ai pris un sac d'affaires et j'ai dépensé plus de la moitié de mes économies dans des tickets de bus qui m'emmèneraient le plus loin d'ici. Je pensais sérieusement vite réussir dans la vie. J'ai toujours eu des bonnes notes, j'ai reçu une bonne éducation et je suis débrouillarde. Ça ne m'a pas servi à grands-choses. Arrivée à une ville qui m'était totalement inconnue, j'ai posé mes bagages et je pensais que tout commencerait là. Tout a commencé là, c'est vrai mais pas dans le bon sens du terme. Et quand je vois la suite de mon parcours, il n'est pas glorieux. Aujourd'hui, serveuse dans un bar et reconnue comme la traînée du moment dans les magazines, ce n'était pas ce que j'imaginais pour moi.

Love on lie 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant